DE NOTRE CORRESPONDANTE
UN RAPPORT de l'Institut de veille sanitaire (InVS) réalisé en 2003 indiquait que moins d'un cancer du poumon lié à l'amiante sur cinq était déclaré et reconnu en maladie professionnelle, avec tous les préjudices que cela implique pour les personnes concernées. Ces chiffres ont interpellé l'ORS PACA qui, avec l'INSERM, a répondu à un appel d'offres de l'InVS et du ministère du travail qui voulaient comprendre les raisons de cette sous-déclaration. Et une enquête a été lancée auprès de 400 généralistes et 100 pneumologues de la région provençale pour essayer de mieux cerner les attitudes des praticiens et les possibles barrières médicales à la reconnaissance de pathologie professionnelle.
Un cas clinique fictif de cancer du poumon a été soumis aux médecins participants et la question suivante leur a été posée : «Vous apprenez que le patient a été exposé dans sa vie à l'amiante dans l'industrie navale, par exemple. Lui recommandez-vous de faire une déclaration de maladie professionnelle?»
Il n'y a pas que le tabac.
Deux cas de figure étaient envisagés, patient fumeur ou non fumeur, paramètre qui induit des résultats différents entre pneumologues et généralistes. Les premiers sont 80 % à proposer dans tous les cas une déclaration de maladie professionnelle, alors que les généralistes ne le font que dans 30 % des cas. Les généralistes, s'ils ont affaire à des patients atteints de cancer du poumon et qui ont été exposés à l'amiante, mais qui sont fumeurs, ne vont pas leur proposer de faire une déclaration de maladie professionnelle, c'est ainsi clairement démontré pour la première fois. Pour eux, le cancer du poumon n'est lié qu'au tabac. Une attitude contraire au principe de présomption d'imputabilité sur lequel est fondé le système de déclaration-reconnaissance des maladies professionnelles en France et qui fait que, même si le patient est fumeur, l'origine professionnelle de son cancer doit être reconnue s'il a été exposé à l'amiante. Mais beaucoup de généralistes ne connaissent pas ce principe et ignorent aussi que le fait d'avoir été exposé au tabac et à l'amiante démultiplie le risque de cancer du poumon. La stigmatisation du fumeur est encore trop importante pour aller chercher de manière plus subtile une cause professionnelle ou environnementale. En outre, plus les médecins pensent que ce n'est pas leur rôle de s'intéresser à l'aspect santé-environnement ou santé-travail, et moins ils proposent une déclaration.
«Il ne faut cependant pas crier haro sur les médecins, tempère le Dr Pierre Verger, directeur adjoint de l'ORS PACA et responsable de l'enquête. Ils ne sont pas assez bien formés tant en formation initiale qu'en formation continue sur ce rôle qu'ils ont à tenir pour inciter des patients à faire cette déclaration. C'est pour cette raison que nous avons lancé aussi une démarche appelée SISTEPACA (système d'information en santé travail et environnement), pour aider les médecins, avec quelques outils, à repérer et déclarer les maladies d'origine professionnelle.» Accessible sur un site Internet, SISTEPACA propose des fiches sur la conduite à tenir en cas de maladies professionnelles probables en fonction d'un certain nombre de facteurs. «Beaucoup de patients qui ont été exposés à l'amiante n'en subissent les conséquences que bien des années plus tard. Le médecin ne pense pas toujours à faire le lien, mais, quand il est établi, son travail ne s'arrête pas là. Il explique aux malades comment déclarer cette maladie d'origine professionnelle à partir du certificat médical initial que le médecin remplit, et les nombreuses conséquences pour ses droits et indemnisations.»
Des réunions d'échange entre médecins généralistes et divers partenaires sont organisés dans ce cadre au SISTEPACA. Aujourd'hui, entre 200 et 300 médecins sont réunis dans ce réseau sur le bassin d'exercice de la région PACA.
Contact : www. sistepaca.org.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature