Accompagnant les douleurs éventuelles liées à la maladie, les douleurs iatrogènes liées aux gestes invasifs thérapeutiques ou diagnostiques sont perçues comme injustes. Multiples, répétées, elles deviennent déstructurantes et peuvent conduire le patient à se marginaliser et à refuser ultérieurement des soins spécialisés (odontologie, chirurgie) ou des actes invasifs pourtant indispensables.
Si certains gestes de soins (ponction, ablation d'un redon ou de drains, mise en place d'un cathéter ou d'une sonde) sont reconnus comme très douloureux, d'autres le deviennent du fait de leur répétition, de l'insuffisance de préparation ou d'information du patient. Chez les personnes âgées dépendantes, la toilette ou la mobilisation entraînent parfois autant de souffrances morales que de douleurs physiques. Chez l'enfant, la répétition d'actes de soins douloureux déclenche une réaction du système nerveux autonome (modification du pouls, transpiration) et une conduite d'échappement (agitation) lorsqu'approche une « blouse blanche », plusieurs mois après l'hospitalisation.
« La prévention des douleurs iatrogènes est encore trop aléatoire et variable selon les services, les équipes ou même selon le soignant de la journée », regrette le Pr Daniel Annequin (unité fonctionnelle d'analgésie pédiatrique de l'hôpital Trousseau, Paris). L'origine iatrogénique d'une douleur est souvent négligée par le soignant, face au bilan positif des soins. « Les établissements doivent progresser dans la formation, l'obligation, mais plus encore dans l'organisation des soins pour éviter au patient les effets douloureux d'un acte thérapeutique que l'équipe de soins est obligée de pratiquer », estime Jocelyne Le Gall (cadre infirmier anesthésique à la clinique mutualiste de la Sagesse, Rennes).
La prise en charge des douleurs postopératoires est actuellement bien développée, avec des techniques efficaces comme la PCA ou l'anesthésie locorégionale. Pour les patients anxieux, lors de gestes douloureux de courte durée (inférieure à trente minutes), le médecin propose une prémédication par un anxiolytique, voire par un anesthésique tel que le protoxyde d'azote (Moepa). Pour des douleurs de faible et de moyenne intensité, un antalgique ou un anti-inflammatoire peut suffire. Il faut aussi savoir expliquer, commenter les gestes de soins et leurs objectifs en tranquillisant les patients.
« La prévention des douleurs iatrogènes nécessite une excellente coordination entre médecins, infirmiers, psychologues, kinésithérapeutes avec une uniformisation des pratiques », confirme le Dr Christine Ricard (anesthésiste, Montpellier).
La lutte contre les douleurs iatrogènes devrait connaître une accélération au cours des prochains mois dans les établissements de santé :
- la diffusion dans les semaines à venir de protocoles favorisant la prescription de traitements préventifs médicamenteux ou non médicamenteux et de fiches pédagogiques intégrant les connaissances de bases nécessaires à une prise en charge quotidienne de la douleur ;
- la désignation de personnes ressources dans la prise en charge de la douleur provoquée par les soins et la chirurgie ;
- le renforcement par décret du rôle de l'infirmier, habilité à mettre en uvre et à adapter un traitement antalgique dans des conditions définies par protocoles.
Un Centre national de ressources
Le CNRD, centre de ressources encore unique en Europe, a été créé par le ministère de la Santé et vient de s'installer à l'hôpital Trousseau*, à Paris. Financé à hauteur de 420 000 euros, il doit participer au développement de la prise en charge de la douleur au quotidien, et plus particulièrement celle qui est induite par les soins ou les gestes diagnostiques.
L'équipe du CNRD apporte une aide logistique aux équipes de terrain et aux Comités de lutte contre la douleur (CLUD) qui souhaitent améliorer et diversifier leurs pratiques : audits « clés en main », protocoles, guides thérapeutiques.
Les autres missions du CNRD sont l'appui scientifique et technique aux professionnels de santé en matière d'information et le développement de la recherche clinique paramédicale pour favoriser la diffusion de méthodes de prévention et de traitement de la douleur liée aux soins.
Un site Internet (www.cndr.fr) sera créé au premier trimestre 2004 et une médiathèque ouvrira ses portes au public en avril.
Une journée nationale sur le thème de l'amélioration de la prise en charge de la douleur et du confort du patient est également prévue dès 2004.
* Pavillon Armand-Lacaze, 26, avenue Arnold-Netter, 75012 Paris, tél. 01.44.73.54.21, secretariat.cnrd@trs.ap-hop-paris.fr.
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