EN MAI, l'assurance-maladie, la police et la justice «se sont réunies» en vue de renforcer la lutte contre le trafic du Subutex (buprénorphine haut dosage), fait savoir Pierre Fender, directeur de la répression des fraudes de la Cnamts (Caisse nationale d'assurance-maladie des travailleurs salariés). Déjà, le plan mis en place depuis 2004 porte ses fruits. En 2004-2005, la Sécurité sociale a déposé 148 plaintes au pénal contre des assurés et effectué 32 saisines auprès de l'Ordre des médecins, ce qui a permis de «récupérer» 1 million d'euros. En 2006, alors que le montant des fraudes a atteint 4 millions d'euros, on a recensé 114 procédures pénales et 1 285 suspensions de prise en charge de traitement non justifié. Soixante-sept médecins ont été suspectés de prescriptions «anormales», 31 actions ordinales ont été lancées et 2 suspensions d'exercice ont été prononcées par voie préfectorale. Parallèlement, sur 11 pharmacies sous surveillance, 4 ont été épinglées par l'Ordre. Enfin, au cours des deux dernières années, 6 000 personnes ont fait l'objet d'un traitement «encadré» par la Sécu. Il s'en est suivi une baisse de 25 % du nombre de patients soupçonnés de mésusage et de fraude.
Un combat inégal à la recherche de nouveaux moyens.
«Le plan de l'assurance-maladie a permis de mieux savoir ce qui se passe sur le terrain, commente pour “ le Quotidien “ le Dr Didier Jayle, président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). Le détournement du Subutex concerne surtout l'Ile-de-France, avec plus de la moitié des cas, l'Alsace et Provence-Alpes-Côte d'Azur, à raison de 20% chacune. Le phénomène n'existe pas dans les 19autres régions», précise-t-il.
Mais le combat reste inégal et les moyens mis en oeuvre par les trafiquants exigeraient des réponses innovantes, laisse entendre le patron de la Mildt. La Cnamts, par exemple, n'a pas encore trouvé de parade à l'utilisation de photocopies d'attestations de CMU pour obtenir des prescriptions légales de 16 mg par jour de buprénorphine haut dosage. A la Mildt, on ne désespère cependant pas de faire classer le Subutex, actuellement «produit vénéneux», parmi les «stupéfiants». Les contrevenants encourraient des sanctions plus fortes et appliquées avec plus de rigueur, comme pour la méthadone, tandis que le stockage en pharmacie d'officine serait plus sécurisé et que les gros trafiquants à l'échelle européenne pourraient être poursuivis. «Le dossier est toujours sur la table», tant qu'on n'aura pas trouvé de «réponse efficace au détournement», orchestré par 5 % des usagers, dit le Dr Jayle. Il faudrait aussi, ajoute-t-il, que seuls les centres spécialisés puissent établir des prescriptions dépassant les 32 mg quotidiens.
«Maintenant, gardons-nous de noircir la substitution. Elle marche bien», souligne Didier Jayle. Depuis que le Subutex est entre les mains des médecins de ville (1996), «on a arrêté quasiment l'épidémie de VIH chez les usagers de drogue, la mortalité par surdose est passée de un millier par an à moins d'une centaine et les délits liés à la toxicomanie ont diminué de façon considérable».
Au 31 décembre 2006, quelque 68 000 héroïnomanes étaient sous buprénorphine haut dosage et 18 000 sous méthadone.
La loi de 1970 à la réforme ?
Le Dr Didier Jayle, en poste à la Mildt depuis octobre 2002, souhaite une réforme de la loi du 31 décembre 1970 sur les stupéfiants et un plan d'action de prévention de l'alcool en direction des jeunes.
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