«LONGTEMPS, le paludisme a été un parent pauvre de la recherche en santé publique. Aujourd'hui, les moyens alloués à la lutte contre cette maladie ont considérablement augmenté, mais on peut douter de l'efficacité à long terme des actions mises en place depuis quelques années», analyse pour « le Quotidien » le Dr Pierre Druilhe, directeur de l'unité de parasitologie biomédicale à l'Institut Pasteur de Paris. «Il y a cinquante ans, les hommes disposaient de deux armes redoutables et peu onéreuses pour lutter contre le paludisme: le DDT et la chloroquine. Le premier permettait en une pulvérisation par an de chasser les moustiques d'une habitation et le second permettait un traitement efficace de la maladie. Aujourd'hui, après trente ans d'abandon de la recherche sur les plasmodiums, le constat est sévère. Le médicament qui est actuellement le plus utilisé, l'artémisine, est un produit de la pharmacopée traditionnelle asiatique et certaines des nouvelles molécules développées ne sont que des dérivés synthétiques de cette molécule. Par ailleurs, on peut craindre qu'au cours des prochaines années des résistances à ces traitements se développent et qu'aucune nouvelle arme thérapeutique ne soit alors disponible.»
«L'autre axe sur lequel les organisations internationales ont débloqué des moyens importants est celui de la prévention par des moustiquaires imprégnées. Or, dans les régions de forte endémie, cette mesure est partiellement efficace car les anophèles piquent dès la tombée du jour et le risque d'infection existe donc pendant plusieurs heures avant l'utilisation de la moustiquaire. Ce n'est que dans les régions d'endémie moyenne ou faible que ce type de prévention pourrait se révéler efficace. Par ailleurs il existe des études qui ont montré que l'effet des moustiquaires est vraissemblablement limité dans le temps (18 mois).»
«L'une des armes de la lutte pourrait passer par la mise au point de vaccins. Actuellement, deux stratégies s'opposent: clinique et expérimentale. On dispose aujourd'hui de 45vaccins efficaces chez les rongeurs, mais d'aucun chez l'homme. Actuellement, 40essais vaccinaux utilisant la même approche par le biais d'un antigène de surface du parasite (MSP1, Merozoite Surface Protein 1) sont en cours ou en préparation dans le monde. Mais les trois premiers résultats d'études sont, hélas! négatifs. À l'Institut Pasteur, nous avons choisi de focaliser notre approche vaccinale sur un travail chez l'homme. Nous avons analysé les mécanismes de protection chez l'adulte infecté et sélectionné un candidat vaccin MSP3 (un gène impliqué dans la défense contre le parasite au stade érythrocytaire) . Des essais d'immunisation par MSP3 ont donné des résultats encourageants chez le primate. Chez l'homme, des essais de phaseI ont montré que l'antigène n'est pas toxique et qu'il induit la production d'anticorps capables de tuer le parasite. Cinq essais vaccinaux de phaseII-III sont en cours, et les premiers résultats obtenus au Mali devraient être publiés au cours de l'année 2009.»
D'après un entretien avec le Dr Pierre Druilhe, directeur de l'unité de parasitologie biomédicale à l'Institut Pasteur.
Un colloque à la Cité des sciences
La Cité des sciences organise à Paris un colloque international sur le thème Santé et Mondialisation. En clôture de la première journée du colloque, la Cité des sciences propose le 21 octobre 2008 à 20 heures une Nuit contre le paludisme. Une table ronde réunira des scientifiques : Awa-Marie Coll Seck, directrice exécutive du partenariat Roll Back Malaria, Ogabara Doumbo, directeur du centre de recherche et d'essai sur la malaria de l'université de Bamako, Pierre Druilhe, directeur de l'unité de parasitologie biomédicale à l'Institut Pasteur, Didier Fontenille, coordinateur du programme Anophèles d'Afrique à l'IRD de Montpellier, Jean-François Pays, professeur de pathologie exotique à l'UFR Necker - Paris-V, Bernard Pecoul, directeur de la Drugs for Neglected Diseases Initiative, et Robert Sebbag, vice-président Accès au médicament de sanofi-aventis. Ils seront rejoints par des artistes sud-africains, congolais, ivoiriens et nigérians en seconde partie de soirée.
Le colloque évoquera aussi des sujets variés tels que « des dynamiques globales, des disparités locales » et « les perspectives pour demain, de la recherche aux politiques de santé ». Des chercheurs et des médecins tels que Michel Kazatchkine (Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria), Jean-François Girard (IRD), Philippe Kourilsky (Collège de France) et Jean-Christophe Rufin éclaireront les débats. Ces deux événements sont proposés en ouverture de l'exposition Epidemik présentée par la Cité des sciences du 21 octobre 2008 au 16 août 2009.
Inscriptions gratuites : www.cite-sciences.fr/college.
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