LE «VIN N'EST PAS une drogue. (L') assimiler au tabac, c'est une erreur», a déclaré Nicolas Sarkozy, un verre de sancerre à la main lors d'un déplacement électoral au coeur du Sancerrois (Cher). Pour un homme qui n'aime pas boire, le candidat UMP à la présidentielle s'est montré ardent défenseur de la viticulture française en mal de débouchés. Il est prêt à «ouvrir la publicité s'agissant de la consommation de vin». Nicolas Sarkozy veut que les viticulteurs de son pays luttent «à armes égales» avec leurs rivaux du «monde entier».
«En ressortant cet argument en pleine campagne électorale, Nicolas Sarkozy n'innove pas. Il bafoue tout simplement le travail accompli depuis de nombreuses années par les associations et les professionnels qui se battent pour réduire l'un des plus importants fléaux de santé publique», commente Claude Evin. «Mais, il n'a rien dit! », s'exclame le Pr Claude Got, qui, avec quatre autres « sages » de la santé publique, les Prs Gérard Dubois, François Gremy, Albert Hirsch et Maurice Tubiana, a adressé aux présidentiables un questionnaires en seize points portant sur l'alcool, le tabac, la nutrition et l'obésité, la route et l'amiante (« le Quotidien » du 29 janvier)*. «La publicité existe déjà pour tous les alcools à l'affichage et à la radio (à l'exclusion des mercredis après-midi). » Xavier Bertrand, pour sa part, n'entend pas «entrer dans la polémique engagée». «Il existe une législation qui est ce qu'elle est», souligne-t-on dans son entourage en rappelant que le ministre de la Santé a mené en 2006 une politique de prévention avec l'organisation d'états généraux de l'alcool.
Interdire la pub sur tous les supports.
«Si Nicolas Sarkozy entend modifier la loi Evin du 10janvier 1991 relative aux boissons alcooliques, il faut qu'il explique comment, affirme Claude Got. Veut-il distinguer le vin des autres alcools? Dans ce cas, il sera sanctionné illico par la Cour de justice de Luxembourg. Et n'oublions pas qu'un gramme d'alcool pur est un gramme d'alcool pur, quelle que soit la boisson alcoolique considérée. L'OMS fixe des normes quotidiennes à ne pas dépasser de trois verres de 10g chacun pour un homme et de deux verres pour une femme. Envisage-t-il de renforcer la publicité pour tous les alcools? Dans une telle hypothèse, il défavoriserait les viticulteurs qui n'ont pas les moyens financiers dont disposent les grands alcooliers pour mener des campagnes publicitaires.»
Sur les quarante dernières années, la consommation annuelle de vin a diminué de moitié alors que celle des alcools non viniques est restée stable à 2 l par personne. Si la mortalité alcoolique imputable aux cancers de l'oesophage et des voies aéro- digestives supérieures et à la cirrhose, a chuté d' «un bon tiers, c'est en raison de la décrue des vins de table». «Aujourd'hui, de 20000 à 25000personnes sont tuées par l'alcool.» En fait, pour Claude Got, les vignerons «ont intérêt à être partisans de l'interdiction de la publicité sur tous les supports», comme c'est le cas actuellement à la télé et au cinéma. Il s'agit, d'ailleurs, de la position des cinq sages , qui préconisent un retour au fondement de la loi Evin excluant toute promotion publicitaire sur les alcools.
* Les réponses des candidats seront publiées en ligne le 15 mars (sécurite-sanitaire.org).
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