DEPUIS 1999, le pourcentage des sportifs chez lesquels des substances dopantes interdites ou soumises à restriction ont été détectées en France a régulièrement progressé, avec toutefois un infléchissement de la courbe l'an dernier : de 3,60 % de positifs en 1999, on est passé à 4,02 % en 2000, 5,23 % en 2001, 6,8 % en 2002 et 6,3 % en 2003. Dans le même temps, le nombre des contrôles effectués a enregistré une légère augmentation, avec un peu plus de 8 000 opérations réalisées l'an dernier. Mais l'autorité administrative indépendante créée par la loi du 23 mars 1999, dite loi Buffet, ne saurait évidemment limiter son bilan à ces simples données statistiques : en quatre ans, le traitement administratif des contrôles a en effet beaucoup évolué, tout comme les techniques de détection. Le filet, cependant, a encore laissé passer pas mal de poissons. Le Cpld explique comment.
Les généralistes pas suffisamment impliqués.
Au chapitre de la prévention, d'abord, le conseil dénonce l'implication insuffisante de certains acteurs essentiels. Parmi eux, les médecins généralistes : alors qu'ils reçoivent chaque année des centaines de milliers de sportifs et qu'ils délivrent en particulier les certificats de contre-indication à la pratique sportive, ces médecins, note le rapport, « doivent être rapidement impliqués dans un projet à dimension nationale ». L'exemple est donné par les pharmaciens d'officine, avec un projet mis en place par la Fondation sport santé, le ministère des Sports et le Conseil de l'Ordre des pharmaciens, en partenariat avec le Cpld, pour assurer la formation des officinaux.
Le travail de sensibilisation est considérable : dans l'immense majorité des cas, en effet, les sportifs amateurs, malgré parfois un niveau élevé, et même les professionnels ignorent tout du dopage ; ils ne s'y intéressent qu'une fois confrontés à la réalité d'une procédure disciplinaire.
A cet égard, les médecins de club ou d'équipe professionnels sont invités à informer les sportifs de façon régulière. Leur rôle doit aller de pair avec l'indépendance professionnelle du praticien, qu'il soit salarié ou bénévole. Et il doit s'assortir d'une formation de haut niveau. C'est pourquoi le Cpld se félicite du progrès significatif qu'a représenté la création, cette année universitaire, d'un diplôme d'études spécialisées complémentaires (Desc) de médecin du sport, avec un enseignement sur deux ans accessible à tous les titulaires d'un DES (diplôme d'enseignement spécialisé).
Au chapitre de la validité des contrôles, le Cpld réserve son satisfecit : les procédures sont parfois sujettes à caution dès l'établissement de la liste des substances dopantes, une liste que rédige aujourd'hui l'Agence mondiale antidopage (AMA) : les glucocorticoïdes sont prohibés pour certains modes d'administration (injection intramusculaire) et pas pour d'autres (injection intra-articulaire), alors que l'analyse d'urine ne permet pas de trancher ; pour les bêta 2-agonistes (notamment salbutamol et terbutaline), les contrôles en vigueur sont incapables de garantir l'existence réelle de l'asthme ou de l'asthme d'effort ; pour le cannabis enfin, qui est à l'origine de plus du tiers des contrôles positifs, la réglementation internationale est erratique : les fédérations internationales de cyclisme ou de tennis autorisent les cannabinoïdes, tandis que celles de rugby, de voile ou de roller-skating les prohibent.
Des contrôles inopinés qui ne sont pas des surprises.
L'organisation des contrôles elle-même n'est pas exempte de critiques : à commencer par la notion de contrôles dits inopinés, qui ne constituent pas une surprise pour les sportifs. La plus stricte confidentialité doit donc être mise en place ; les contrôles effectués lors des entraînements doivent aussi être multipliés, car ils se déroulent généralement dans une plus grande confidentialité et ils permettent de lutter contre le dopage de « récupération », aujourd'hui en forte progression.
Le Cpld demande encore que soit mis fin à la distinction, dans la liste des substances interdites ou soumises à restriction, entre contrôle en compétition et contrôle hors compétition, ces derniers ne recherchant ni les stimulants, ni les narcotiques, ni les cannabinoïdes,
Et, bien sûr, il faut revoir à la hausse le nombre de tous ces contrôles, même s'il est plus élevé en France que dans les autres pays. Ils restent encore « relativement limités en valeur absolue » : 8 105 en 2003, alors que la France compte environ 6 500 sportifs de haut niveau et plusieurs dizaines, voire centaines de milliers de sportifs, qui s'adonnent à la compétition. Le cyclisme, avec un quart des prélèvements effectués, est actuellement la discipline la plus contrôlée. Le conseil déplore les contrôles « très insuffisants » enregistrés dans d'autres grandes disciplines, telles que le football, le rugby et le tennis.
Si le Cpld a enregistré un pourcentage de positifs de l'ordre de 6 à 7 %, il est sans illusion : ce score est loin d'être représentatif de la réalité des pratiques dopantes. Certaines substances ou certaines pratiques de dopage ne sont pas aujourd'hui décelables dans les prélèvements urinaires et le conseil s'inquiète en particulier du développement de l'usage des transporteurs d'oxygène dans le sang, de l'utilisation des perfluorocarbones et des solutions d'hémoglobine (conjuguées, polymérisées). La mise en place de contrôles sanguins serait urgente.
Pour certains produits pourtant parfaitement détectables, les contrôles ne sont toujours pas mis en œuvre. Par exemple, l'utilisation effective et globale du procédé de détection de l'EPO tarde dans beaucoup de disciplines, exception faite pour le cyclisme, la natation et l'athlétisme, qui ont validé le test urinaire français.
Enfin, s'il juge encore prématuré de dresser un bilan du suivi médical et biologique, le Cpld s'interroge sur son caractère encore « très parcellaire » : seule une moitié des sportifs concernés satisfont à ces bilans qui devraient s'assortir d'un examen clinique périodique pour présenter une réelle efficacité.
En conclusion, le rapport milite pour que l'exemple du Cpld inspire d'autres pays dans le monde, pour préserver des politiques de prévention et de contrôle qui puissent être pleinement indépendantes du mouvement sportif comme du pouvoir politique.
Pas seulement un problème de santé publique
« Le dopage présente des aspects qui en font aujourd'hui un problème de santé publique. Cependant, note le rapport du Cpld, il reste avant tout une tricherie envers les autres mais aussi envers soi-même, une atteinte à l'éthique, une violation des valeurs du sport qui doivent être d'autant plus réaffirmées qu'elle sont aujourd'hui bafouées par de nouvelles pratiques du monde sportif. (...) C'est pourquoi le dopage, qui est d'abord un manquement sportif, social et civique, ne doit pas être exclusivement traité comme un problème de santé publique. »
Le conseil juge donc que « placer la lutte contre le dopage dans le code de la santé publique, entre des dispositions relatives à l'alcoolisme ou au tabagisme et d'autres concernant la prévention de la délinquance sexuelle » ne s'imposait pas. Et il appelle de ses vœux l'instauration d' « un code du sport autonome qui deviendrait un "code pilote", les modifications qui y seraient introduites seraient automatiquement reprises dans le code de la santé publique qui deviendrait, lui, un "code suiveur" ».
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