La lutéine pour prévenir la dégénérescence maculaire

Publié le 29/09/2003
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Compléments alimentaires

La DMLA est, comme son nom l'indique, une dégénérescence de la macula, petite zone centrale de la rétine très riche en photorécepteurs assurant l'acuité visuelle maximale. Elle touche près d'un million de personnes en France. Le premier symptôme est souvent l'augmentation du besoin de lumière à la lecture, puis apparaît la déformation des images qui inquiète le patient et l'incite à consulter.

On connaît mieux aujourd'hui les mécanismes physiopathologiques de cette maladie (autrefois considérée comme un simple vieillissement de l'œil) et ses facteurs favorisants, au premier rang desquels le tabac et les rayonnements solaires et lumineux.
L'étude POLA (Cécile Delcourt, INSERM U500, Montpellier) collecte depuis 1995, sur une population de 2 600 Sétois, des données épidémiologiques relatives aux pathologies oculaires liées à l'âge (essentiellement cataracte et DMLA). Ce travail montre que le risque de DMLA est multiplié par 5 chez les gros fumeurs (> 40 paquets-années) par rapport aux non-fumeurs (Delcourt C. et al. : The POLA study. « Arch Ophthalmol » 1998 ; 116 :1031-1035).

Tabac, lumière et stress oxydant

Le tabac pourrait avoir une double responsabilité : augmentation de la production d'espèces oxygénées réactives (EOR) et diminution des défenses antioxydantes. Les produits de peroxydation lipidique sont augmentés dans le sang des fumeurs et l'air qu'ils expirent. Par ailleurs, le tabagisme entraîne une réduction de la concentration sanguine en caroténoïdes et une étude suggère qu'il diminue la densité du pigment maculaire (Hammond Br. J. R. et al., « Vision Res » 1996 ; 36 : 3003-3009).
L'exposition à la lumière pourrait être également un facteur de risque de DMLA, bien que les résultats des études ne soient pas concordants sur ce point.
Après la peau, l'œil est l'organe le plus sensible aux radiations solaires. Celles-ci induisent des réactions photochimiques, avec production d'EOR qui semblent jouer un rôle dans le développement de la DMLA. Il est cependant probable que l'effet de l'exposition à la lumière soit atténué par les nombreux mécanismes de protection de la rétine (filtration des UV par la cornée et le cristallin, renouvellement rapide des photorécepteurs, système antioxydant). Et ce serait la baisse de ces moyens de défense qui serait responsable du stress oxydant photo-induit.

Le rôle des antioxydants

Reste que l'apport alimentaire d'antioxydants paraît être un élément protecteur. Trois études épidémiologiques, dont l'étude POLA, ont montré une réduction d'au moins 50 % du risque de DMLA chez les personnes ayant un niveau élevé de vitamine E plasmatique. La vitamine C semble elle aussi être intéressante en contribuant à la régénération de la vitamine E. Un grand essai randomisé, l'Age-Related Eye Disease Study (AREDS « Arch Ophthalmol » 2001 ; 119 :1417-1436), a montré l'efficacité d'une supplémentation, pendant six ans, en antioxydants (fortes doses de vitamines E, C et bêta-carotène) et zinc dans la prévention de la DMLA : réduction de 25 % du risque de développer une DMLA sévère chez des patients atteints de DMLA à un stade précoce.
L'intérêt s'est récemment porté sur la lutéine et la zéaxanthine, qui appartiennent à la famille des caroténoïdes et sont présentes à forte concentration dans la macula (concentration de 300 à 1 000 fois plus élevée que dans les autres tissus). La densité de ce pigment maculaire est étroitement corrélée aux apports alimentaires et à la concentration plasmatique de ces deux caroténoïdes. Une supplémentation en lutéine (10 mg/j) permet d'augmenter la densité du pigment maculaire (Hammond Br. J. R. et al. « Invest Ophthalmol Vis Sci » 1997 ; 38:1795-1801).
Des études cas-témoins, ont montré une réduction du risque de DMLA de 50 % chez les personnes ayant des apports alimentaires ou des taux plasmatiques élevés en lutéine et zéaxanthine. D'autres travaux n'ont pas retrouvé ces résultats.

La double action de la lutéine

La lutéine et la zéaxanthine sont des caroténoïdes oxygénés classés dans la sous-famille des xanthophylles. La lutéine agirait indirectement en filtrant la lumière bleue (400-450 nm) particulièrement agressive pour les photorécepteurs et directement en neutralisant l'oxygène singulet et les radicaux libres oxygénés. Les sources alimentaires les plus riches sont les légumes à feuilles vertes (épinards, par exemple). Les apports journaliers en lutéine dans les pays industrialisés sont, en moyenne, de 1 à 2 mg, alors que les études suggèrent un effet bénéfique pour une consommation comprise entre 6 et 10 mg par jour. De plus, la biodisponibilité de la lutéine varie en fonction de nombreux facteurs (matrice alimentaire, teneur en lipide, interaction avec d'autres caroténoïdes).
Il existe donc de forts arguments théoriques, expérimentaux et épidémiologiques en faveur du rôle protecteur de la lutéine sur les dommages maculaires dus à la lumière bleue. Les apports moyens actuels étant assez faibles (de l'ordre de 1 à 2 mg/j), il est raisonnable de proposer de les augmenter jusqu'à 6 mg environ, notamment chez les sujets à risque de développer une DMLA (ou une cataracte).

Conférence organisée par Roche Vitamines et l'association Rétina France.

Dr Denise CARO

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7393