« CE QUI COMPTE dans une uvre, c’est la Présence. La Vie. La Réponse », a dit un jour Soulages. Chacun de ses travaux porte la marque de cette triple exigence. La présence d’abord, celle de ces grands formats écrasants de force, celle de ces toiles des débuts, d’un brun profond, réalisées à partir de brou de noix. Présence aussi de la matière, imposante et brute, comme dans les goudrons sur verre de la fin des années 1940, « sortes de traces primitives », pour reprendre l’expression du commissaire de l’exposition Alfred Pacquement, dans sa préface au très riche et passionnant catalogue consacré à la rétrospective*. Présence enfin dans la liberté du geste, dont Soulages usa et use encore en multipliant les aplats, les raclures, les empâtements et les coups de brosse, pour former de larges traces, des calligraphies harmonieuses ou des bandes irrégulières et accidentées.
La vie, ensuite. Celle qui jaillit de ces monochromes d’ébène. Le noir dominant, le « noir d’os brûlé » qu’affectionne tant le peintre, est la non-couleur, la couleur morte par excellence. Soulages lui donne pourtant des pouvoirs de résurrection en créant ce qu’il appelle l’ « outrenoir », c’est-à-dire ce qui va au-delà du noir et qui devient émetteur de clarté. Dans la salle de l’exposition consacrée à l’année 1979, où l’artiste se lance à corps perdu dans la quête du noir en faisant surgir la lumière de la surface obscure, l’émotion est à son comble. La peinture est comme un miroir. L’éclat électrique qu’elle nous renvoie fascine le regard. Soulages travaille les états de surface du noir et y fait surgir du gris, du brun, du bleu ou des reflets argentés, et réussit ainsi à faire naître la lumière de l’absolue obscurité.
La réponse enfin. Devant ces énigmes couleur d’ébène, on s’interroge. Dans la dernière salle de l’exposition, occupée par de très grands polyptyques superposés, accrochés dans l’espace et formant une installation assez spectaculaire, il apparaît que l’uvre de Soulages mêle un calme profond à une violence lyrique. Tout, dans son art, repose sur un équilibre subtil entre deux forces, l’obscure et la solaire.
* Catalogue, éd. du Centre Pompidou, 352 p., 44,90 euros.
Centre Pompidou, tél. 01.44.78.12.33, www.centrepompidou.fr. Tlj sauf mardi, de 11 heures à 21 heures. Jusqu’au 8 mars 2010.
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