L E 27 juin 2000, un Allemand est mort chez lui, dans son lit. Quatre-vingt-quatorze ans plus tôt, en 1906, il était né si maladif que les médecins avaient prédit qu'il mourrait avant la puberté.
Il survécut à la famine de la Première Guerre mondiale puis à la pandémie de grippe en 1920. Pendant son service militaire, en 1928, il fut victime d'un pneumothorax traumatique, un ski lui ayant perforé le thorax. Il poursuivit ensuite une carrière de forestier.
En 1938, on diagnostiqua une caverne tuberculeuse du sommet droit et il passa un an dans un centre spécialisé où il fut traité par pneumothorax thérapeutique avec instillation de paraffine dans la cavité. Après sa sortie, il reprit son travail mais, jugé potentiellement infectieux, il fut exempté d'activité militaire pendant la Seconde Guerre mondiale.
En 1953, on diagnostiqua une caverne tuberculeuse du sommet gauche, d'où lobectomie. Le chirurgien ne lui donna à l'époque que cinq mois à vivre.
De 1955 à 1963, il travailla comme professeur à l'université de Californie, puis revint en Allemagne dans sa famille et occupa un poste de professeur à l'université de Göttinger jusqu'à sa retraite, puis continua la recherche scientifique jusqu'à 91 ans.
Dans ses septième et huitième décennies, il fut opéré de la vésicule, d'une fracture de hanche, d'un cancer colique et d'un cancer prostatique.
En janvier 2000, à 93 ans, il tomba et se fit un traumatisme thoracique. A cette occasion, une analyse des crachats montra des bacilles acido-alcoolorésistants, facilement identifiés comme étant Mycobacterium tuberculosis. Il fut immédiatement placé dans une chambre d'isolement à l'hôpital et, pour la première fois de sa vie, on lui donna des médicaments antituberculeux. En une semaine, sa fonction hépatique se détériora et il devint confus. On arrêta le traitement et, à la demande de sa famille, il put regagner son domicile où, isolé dans une chambre, il fut soigné par ses proches et des infirmières. Il récupéra vite ses fonctions intellectuelles, mais son état physique resta précaire.
Le 25 juin, il signala que quelque chose semblait bouger dans sa poitrine, puis devient dyspnéique. On diagnostiqua un oedème pulmonaire et l'on suspecta un infarctus et un pneumothorax. Traité à domicile, il s'améliora petit à petit puis, la veille de sa mort, tomba dans le coma.
« Ce patient était mon père », écrit Karsten Mülder dans le « Lancet », où elle raconte cette émouvante histoire, « et il est mort le 27 juin 2000, chez lui, dans son lit, sans anxiété, sans dyspnée, sans douleur. J'étais avec lui jusqu'à la fin. On n'a pas fait d'autopsie. Les sujets contacts n'ont pas été infectés. J'ai une profonde gratitude pour les médecins qui l'ont soigné ; sans leur compassion, cette remarquable histoire se serait terminée lamentablement à l'hôpital ou en maison médicalisée. »
« Lancet » du 1er septembre 2001, p. 766 (correspondance).
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