QUI POURRA CONSULTER le futur dossier médical personnel (DMP) ? D'abord, le patient qui en est le titulaire, mais aussi les professionnels de santé dûment habilités, avec son consentement exprès. En théorie, la liste des praticiens susceptibles d'être autorisés par le patient à accéder à tout ou partie de son DMP sera fixée par un décret dont la rédaction n'est pas encore totalement validée (voir encadré).
En pratique, les choses se compliquent car la loi du 5 mars sur le droit au logement opposable va plus loin que le décret dans ce domaine, comme l'a signalé l'association Fulmedico sur son site Internet. Modifié par l'article 35 de cette loi, un article du code civil interdit désormais à un bailleur de réclamer au candidat à la location son «dossier médical personnel», préalablement à la signature du bail, «sauf en cas de demande de logement adapté ou spécifique». Par conséquent, la nouvelle loi, entrée en vigueur le 6 mars, autorisera le propriétaire d'un logement à consulter le DMP du futur locataire s'il a besoin d'un «logement adapté ou spécifique» en tant que personne malade ou handicapée.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) ne cache pas sa stupeur en découvrant aposteriori cette mesure législative qui permet dans certains cas la transmission du DMP à un bailleur non médecin. Le Dr Pierrnick Cressard, président de la section ordinale éthique et déontologie, juge cette disposition «invraisemblable» et annonce que le Cnom «va demander sa modification». «Le DMP est encore virtuel» (1),rappelle-t-il. En outre, l'Ordre «défend le secret médical» et «s'est battupour que le patient ait le droit de masquer le masquage» de certaines données afin de protéger leur confidentialité. «Pourquoi ne pas autoriser demain l'employeur ou une compagnie aérienne à accéder au DMP en cas de...?», s'interroge le Dr Cressard.
Du côté des patients, c'est aussi la douche froide. La mesure est «scandaleuse» et «complètement discriminatoire», estime Arnaud de Broca, secrétaire général adjoint de la Fnath (l'association des victimes d'accidents de la vie). Dans un premier temps, il ne voit pas «comment on peut fournir un DMP qui n'existe pas encore» et, à terme, il craint que la notion «floue» de logement adapté ou spécifique ne conduise à «refuser n'importe quel logement à une personne malade ou handicapée». C'est pourquoi la Fnath «n'exclut pas de saisir la Halde» (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité).
Le Collectif interassociatif sur la santé (qui fédère 25 associations de malades et d'usagers, dont la Fnath et l'Association des paralysés de France) dénonce aussi cette «brèche ouverte». «Les pièces pouvant justifier l'état de santé des personnes peuvent être trouvées en dehors du DMP», fait-on valoir au Ciss. Le collectif met l'accent sur le fait que ce dossier est «d'abord un outil de coordination des soins et n'a pas été conçu pour permettre aux gens d'obtenir un logement».
Le Dr Pierre-Louis Fagniez, député UMP du Val-de-Marne et expert du DMP, ne comprend pas la polémique provoquée par l'amendement Bignon à la loi qu'il a votée à l'Assemblée nationale. Selon cet élu, la mesure consistait au contraire à «défendre les droits des personnes handicapées» en leur permettant d' «exciper de leur DMP les éléments justifiant l'obtention d'un logement adapté ou spécifique». «Le DMP appartient en propre au patient et il peut toujours refuser l'accès à son dossier», martèle l'auteur du rapport sur le masquage des données dans le DMP.
En tout cas, le message de la loi ne semble pas clair pour tout le monde. Surtout, il brouille l'image du DMP déjà ternie par une série de déboires.
(1) Le déploiement du DMP, initialement programmé à compter du 1er juillet 2007, est reporté au printemps 2008, au plus tôt.
Nouveau projet de décret
Une nouvelle version du projet de décret DMP est soumise aux «consultations officielles» (Ordre des médecins, Cnil...) avant d'être transmise au Conseil d'Etat début avril. Par rapport aux versions précédentes (« le Quotidien » du 6 novembre 2006 et du 15 février), ce texte précise notamment les points suivants :
•Les modalités d'accès des professionnels de santé au DMP
Un tableau en annexe du projet de décret instaure un système d'habilitations selon les professions de santé. L'accès au dossier est «subordonné au consentement exprès du titulaire du DMP ou d'un des titulaires de l'autorité parentale ou de son tuteur». Ce consentement est «recueilli» lorsque le patient désigne nommément les praticiens autorisés à accéder à son dossier pour une durée déterminée (auprès du portail d'hébergement) et lorsqu'il remet sa carte Vitale à un professionnel ou à un établissement. A titre dérogatoire, «pendant une durée de cinq ans», le consentement est «recueilli par tout moyen».
•Le droit du patient au masquage
Comme prévu, le texte reprend les propositions du rapport Fagniez. Le titulaire du DMP «peut rendre des informations inaccessibles à une ou à plusieurs catégories de professionnels de santé» (sauf à leur auteur), soit «seul», soit «en concertation» avec un praticien qui «l'informe préalablement des possibles conséquences» du masquage. Ce masquage (réversible) «n'est pas mentionné» dans le DMP. Il est effectué «sous la seule responsabilité» du patient. «Sauf opposition du patient», les informations resteront toutefois accessibles au médecin traitant et aux soignants en cas d'urgence.
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