C'EST LE 15 octobre que le gouvernement a remis au Conseil économique et social (CES) le projet de loi sur la recherche, une saisine obligatoire comme pour toute loi de programmation.
Les membres de la section « des activités productives, de la recherche et de la technologie » ont dû donc travailler d'arrache-pied pour examiner le texte et rendre, un mois plus tard, un avis qui soit aussi objectif que possible. Mais le jeu en vaut la chandelle : « La recherche est pour la France une composante majeure de la préparation de son avenir économique et social, et de son maintien aux avant-postes de la société de la connaissance », note le rapporteur de l'avis, François Ailleret, ancien directeur général d'EDF, pour qui la réforme de la recherche n'a déjà que trop tarder.
Entre la position du gouvernement qui se targue de lancer un « pacte entre la nation et ses chercheurs » et celle des chercheurs qui dénoncent un projet dénaturé, l'avis du CES a l'avantage de faire un tableau précis, pour chaque proposition du gouvernement, des pour et des contre*. Globalement, le premier des points positifs, c'est celui d'engager, enfin, une réflexion de fond sur le système de la recherche et d'apporter des « avancées incontestables », souligne François Ailleret, qui a d'ailleurs participé en 2004 aux travaux des états généraux des chercheurs en tant que membre du comité d'initiative et de proposition pour la recherche mis en place par Etienne-Emile Baulieu. « Le projet gouvernemental exprime une vision qui ambitionne de mobiliser les secteurs public et privé, et c'est bien à ce niveau qu'il devait se situer. Mais ce n'est qu'un premier pas », indique le rapporteur. Viennent ensuite les regrets, qui ne sont pas minces. « La volonté exprimée n'est que partiellement traduite en termes de croissance des dépenses publiques, rapportées au PIB (produit intérieur brut) », peut-on lire en conclusion de l'avis. Les membres du CES donnent raison aux chercheurs lorsque ceux-ci se plaignent de l'absence de toute programmation budgétaire et de tout plan pluriannuel de recrutement : « Il s'agit davantage d'une loi d'orientation que d'une loi de programme, et un éclairage et un engagement quantifié sur cinq ans sont maintenant nécessaires », estiment-ils, d'autant que la moitié des chercheurs publics partiront à la retraite dans les dix années qui viennent.
Un incitateur pour le privé.
Selon eux, le budget de la recherche publique devrait « à terme de cinq à dix ans être revu très sensiblement en hausse d'environ 20 % et une majeure partie devrait aller aux budgets des organismes ». Pour atteindre l'objectif de Lisbonne qui est de consacrer à la Recherche & Développement 3 % du PIB, les entreprises devraient également augmenter leur effort de 40 à 50 %. Toutefois, ajoute François Ailleret, « l'argent public doit servir d'incitateur pour le privé ». Les membres du CES estiment que les recherches fondamentales de long terme doivent être majoritairement financées par l'Etat. Ils suggèrent que les projets financés par l'Agence nationale de la recherche (« le Quotidien » du 17 novembre) durent un maximum de cinq ans, au lieu de trois ans actuellement.
En ce qui concerne l'attractivité des carrières de recherche, les membres du CES restent également sur leur faim : « Des allocations de recherche inférieures au Smic et un salaire d'embauche deux fois plus faible que celui offert par les entreprises à des ingénieurs de grandes écoles ne permettent pas d'attirer et de retenir les meilleurs. Les propositions actuelles du gouvernement sont insuffisantes pour corriger cette situation. » Autre sujet de déception : l'enseignement supérieur, qui n'est que « partiellement concernée par ce projet ». Or, poursuivent les membres du CES, l'état de l'enseignement supérieur est « préoccupant ». Selon eux, « la France ne peut plus désormais faire l'économie d'une loi d'orientation et de programmation sur l'enseignement supérieur, pour laquelle la concertation devrait être lancée sans tarder ».
En conclusion, les auteurs de l'avis jugent que les dispositions gouvernementales représentent « le plus souvent une avancée ». Mais elles devront être « impérativement complétées, prolongées ou accentuées ». En outre, insistent les membres du CES, la « mise en œuvre (de la loi) sera cruciale ». « La plus grande attention devra être portée aux textes d'application de la loi dès lors qu'il convient d'avancer à un rythme soutenu, tant le retard accumulé sur certains pays est important. »
Le projet de loi doit être présenté en conseil des ministres mercredi prochain, avant de passer devant les sénateurs. Quant aux organisations syndicales, elles appellent les chercheurs à manifester le même jour dans toutes les villes universitaires.
* Avis consultable sur ces.fr
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