LE MINISTRE de l'Agriculture, Michel Barnier, souhaite le lancement d'un débat public sur la question controversée des OGM. «Je souhaite une commission nationale de débat public sur les OGM», a-t-il déclaré. Pour l'ancien ministre de l'Environnement, l'organisation d'un tel débat n'est pas contradictoire avec celui qui va se dérouler à partir du 5 février au Sénat, lors de la présentation du projet de loi sur les OGM. Il a déjà indiqué qu'il espérait que ce texte soit adopté avant la fin de la session parlementaire, en juin. Il serait temps.
Tout comme le débat qui agite aujourd'hui les partisans et les opposants des OGM, ce projet de loi n'a rien de nouveau : c'est celui qui transcrit, avec cinq ans de retard, deux directives européennes de 2001 et de 2003. Ce texte s'appuie largement sur les propositions de la mission d'information parlementaire qui avait rendu son rapport en... avril 2005. L'orientation générale du texte tend à «mieux encadrer les essais et l'utilisation des OGM, en reconnaissant à la fois leur intérêt et les doutes qu'ils peuvent légitimement inspirer», comme l'avaient souligné les membres de la mission. Parmi les principaux points, il contraint les agriculteurs à déclarer les parcelles de plantes transgéniques, il restreint à dix ans les autorisations de mise sur le marché des OGM, et instaure une obligation d'étiquetage, il crée une instance unique d'évaluation, il propose la mise en place d'un fonds pour les cultivateurs non OGM dont les récoltes auraient été contaminées à plus de 0,9 %.
Le principe de précaution.
C'est dans l'enthousiasme du Grenelle de l'environnement que le ministre de l'Environnement, Jean-Louis Borloo, a instauré une Haute Autorité sur les OGM (provisoire en attendant la future loi) présidée par le sénateur (UMP) Jean-François Le Grand. Sitôt sur pied, la Haute Autorité a créé l'événement en émettant des «doutes sérieux» sur le maïs Mon 810, dans un avis ouvrant la voie à l'activation de la clause de sauvegarde, qui permet à la France d'interdire provisoirement le seul OGM cultivé dans l'Hexagone (avec 22 000 ha l'an dernier, soit moins de 1 % des surfaces de maïs). La clause de sauvegarde, actuellement utilisée par six pays, permet à un Etat membre de l'Union européenne d'interdire un organisme génétiquement modifié autorisé au plan communautaire, à condition de justifier cette mesure par un dossier scientifique étayé. C'est en vertu du principe de précaution que le gouvernement a demandé l'activation de la clause de sauvegarde, dans l'attente d'un réexamen du dossier de ce maïs par Bruxelles.
Si l'avis de la Haute Autorité, qui a «relevé un certain nombre de faits scientifiques nouveaux négatifs impactant notamment la flore et la faune», a donné lieu à une vive polémique entre partisans et opposants aux OGM, il a également créé un malaise au sein même de cette commission, puisque quatorze de ces experts ont critiqué la façon dont le président Jean-François Le Grand a rendu compte de leurs travaux. «Il est vrai que nous avions émis des interrogations mais nous ne les avions pas qualifiées de sérieuses», indique au « Quotidien » le virologue Jean-Luc Darlix, l'un des experts. Le chercheur reste toutefois dubitatif sur le Mon 810. «J'ai donné mon sentiment, je suis pour le moratoire. J'estime que les règles de toxicologie utilisées sont minimales. Dans le doute, mieux vaut s'abstenir», estime-t-il.
Des maïs moins riches en mycotoxines.
Pour le toxicologue Gérard Pascal, ancien directeur scientifique à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), la solution serait en effet de disposer «de méthodes plus sensibles qui permettent, avec des marqueurs précoces, de détecter des choses qui pourraient se manifester à long terme». Cependant, selon le chercheur, le maïs Mon 810 «permet d'obtenir, sans discussion possible, des maïs beaucoup moins riches en mycotoxines, surtout en fumonisines, que les maïs traditionnels, au moins dans les années favorables à leur développement, explique-t-il au “Quotidien”. Les chiffres de 2005 en France sont incontestables [diminution jusqu'à 90 %] et ceux de 2006, en cours de traitement, semblent devoir démontrer le même effet. Cette réduction a donc un effet très positif en matière de santé animale [il s'agit là de maïs destiné à l'alimentation animale] et en matière économique car les normes européennes de fumonisines risquent souvent d'être dépassées avec les maïs traditionnels les mauvaises années».
Le sénateur UMP Jean Bizet a estimé qu'il n'y avait «pas d'interaction importante» entre la loi sur les OGM, dont se saisit cette semaine le Sénat, et la «clause de sauvegarde». Plaidant pour «une loi de programmation qui devra s'étendre sur des décennies», le sénateur a affirmé qu'il fallait «repenser l'articulation entre le Grenelle de l'environnement et le Parlement». Michel Barnier a, quant à lui, indiqué qu'il était en faveur d'une nouvelle commission d'évaluation des essais OGM en plein champ qui, eux, n'ont pas été interdits par le gouvernement.
45 millions pour les biotechnologies végétales
La ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse, a réaffirmé le «devoir de recherche» de la France dans le domaine des biotechnologies végétales et des OGM en particulier. «Parler des OGM globalement n'a pas de sens. Chaque plante est un cas particulier qui doit être étudié sans a priori et faire l'objet d'une vérité scientifique», a-t-elle ajouté. La ministre a également insisté sur la nécessité de «faire de la pédagogie» pour éviter que l'on «diabolise les OGM». Elle a plaidé pour la «restauration de la confiance» afin d'éviter que les chercheurs partent travailler à l'étranger, mais a redit que le gouvernement serait «très vigilant sur le principe de précaution». L'Etat va apporter 45 millions d'euros, à raison de 15 millions par an, entre 2009 et 2011, pour financer des appels à projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR) sur les biotechnologies végétales. La ministre a souhaité que ces programmes se déroulent en partenariat avec l'Allemagne, qui a adopté une position proche de celle de la France sur les OGM. A cette somme s'ajoutent 4 millions d'euros destinés à deux plates-formes de recherche à Clermont-Ferrand et à Montpellier, et 15 millions déjà prévus au budget de l'ANR pour 2008.
Pétition contre pétition
La revue « l'Ecologiste » vient de lancer une pétition qui permet au citoyen «d'exprimer clairement, simplement et directement son refus» des OGM dans le cadre de la future loi (ogm-jedisnon.org). Le texte de la pétition demande que la culture d'OGM en plein champ soit interdite, que l'utilisation d'OGM dans l'alimentation humaine ou animale soit également interdite et que le financement de la recherche publique «aujourd'hui consacré aux OGM agricoles, soit transféré à la recherche sur les techniques de l'agriculture biologique».
Plusieurs organisations dont Agir pour l'environnement, la Confédération paysanne, Greenpeace, le collectif Alliance pour la planète, présentent également une pétition «pour la liberté et le droit de produire et consommer sans OGM» (stop-ogm.org).
Ce sont des scientifiques comme Louis-Marie Houdebine (INRA), Marcel Kuntz (CNRS), ou encore les généticiens Marc Fellous (INSERM) et Michel Naud, président de l'Association française pour l'information scientifique (AFIS) qui sont à l'initiative de la pétition nonaumoratoire.free.fr. «La cohabitation des cultures de maïs conventionnel, de maïs génétiquement modifié et de maïs produit selon le cahier des charges de l'agriculture biologique est possible. Elle est déjà une réalité dans de nombreux pays. Une décision de suspension de la culture des maïs GM, qu'elle dise son nom ou qu'elle soit dissimulée derrière des mesures réglementaires discriminatoires –et donc dissuasives– n'aurait aucune justification scientifique car elle ne s'appuierait que sur des incertitudes imaginaires, voire mensongères, tant sur le plan environnemental qu'alimentaire. Une telle décision serait en contradiction avec le principe de précaution», écrivent les signataires.
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