Que peut dire un ancien directeur de la Dhos, en l’occurrence Jean de Kervasdoué, classé à gauche, à un ancien ministre de Giscard d’Estaing, Jean-Pierre Fourcade, en charge d’une mission d’évaluation sur la loi HPST, encarté à l’UMP ? Et bien, que les réformes hospitalières entamées par le parti au pouvoir ne sont pas assez libérales ! Un dialogue surréaliste, tenu lors d’une rencontre « Auditions privées » en novembre dernier. Jean de Kervadoué reproche en effet à la loi HPST d’avoir mis en place un lien hiérarchique direct, du sommet de l’Etat au directeur d’hôpital, en passant par le directeur d’ARS. Un paradoxe pour un gouvernement libéral, que de faire voter une « loi bureaucratique ». Ce dont a convenu Jean-Pierre Fourcade : « L’ARS ne doit pas être sous la tutelle de l’Etat. Dans la proposition de loi (déposée le 26 octobre dernier à l’Assemblée nationale, NDLR) de toilettage de la loi HPST, je propose par exemple un financement plus fluide, une meilleure fongibilité des financements… Pourquoi centraliser dans le domaine de la santé ? Il faut savoir concilier la qualité des soins et la territorialisation », ajoute le sénateur des Hauts-de-Seine. En précisant, toutefois, que son périmètre d’action est circonscrit : « Je n’ai pas une compétence exhaustive sur la loi HPST. J’interviens sur l’évolution de la nouvelle gouvernance, sur la mise en place des regroupements de structures comme les CHT, ou les GCS, sur les ARS, et l’inclusion dans leur périmètre du sanitaire et du médicosocial. » Jean-Pierre Fourcade, qui devra rendre un rapport définitif sur la loi HPST en juillet prochain, a débuté une série d’auditions, qui lui ont fait entrevoir les points forts, mais aussi les points faibles de la loi : « Si la nouvelle gouvernance se met en place, nous nourrissons des interrogations sur le fonctionnement du directoire. Nous constatons par exemple que nombre de directoires, qui devraient être resserrés, sont élargis. Par ailleurs, l’articulation entre le directoire, le conseil de surveillance et la CME sont problématiques. Il faut revoir la copie. »
GCS mal acceptés
Autre points de friction : l’organisation en pôle, problématique, et la coopération entre établissements. « Les établissements ont tendance à se grouper autour des grands établissements. Par ailleurs, les nouveaux statuts des GCS, qui en font des établissements de santé à part entière, sont mal acceptés. Les hospitaliers leur préfèrent la signature de conventions entre établissements. » Ce qui inspire à Jean-Loup Durousset, président de la FHP, une interrogation : les hôpitaux publics sont-ils matures pour se restructurer ? « Pour le moment, nous constatons un manque de maturité dans les établissements de santé. Par exemple, dans les centres hospitaliers, il y a trop de pôles ou pas assez. Ou les frontières des pôles ne sont pas précises. Malgré tout, l’hôpital peut se restructurer en s’organisant en communauté hospitalière de territoire, comme à Beauvais par exemple, ou en Lorraine, entre Nancy et Metz. Et ce afin d’impacter les plateaux techniques, les personnels, etc. » Problème : au vu des déficits de l’assurance maladie, l’hôpital aura-t-il les moyens d’opérer sa révolution copernicienne ? « En 2013, les déficits de l’assurance maladie devront s’élever à 40 milliards d’euros, alarme Jean de Kervasdoué. Or les mesures d’économie envisagées pour l’année prochaine devraient rapporter seulement 2,5 milliards. Il faut donc s’attendre, après la réforme des retraites, à une réforme douloureuse de l’assurance maladie… Ce qui m’inspire une question : les marchés vont-ils obliger l’Etat à prendre les bonnes mesures ? » Jean-Pierre Fourcade, au sujet des déficits de l’assurance maladie, est moins alarmiste : « le déficit de l’assurance maladie est plus faible proportionnellement que celui de l’Etat. Contrairement à la dette de l’Etat, la dette de la sécurité sociale est une dette que l’on amortit, via la Cades. Mais il ne fallait pas choisir, à mon avis, d’allonger sa durée de vie. Il fallait augmenter la CRDS ! » En tout état de cause, les solutions actuellement préconisées pour réduire le trou de l’assurance maladie lui paraissent insuffisantes : « Dérembourser les médicaments, ce n’est pas suffisant ! Il faut réduire le nombre de plateaux techniques, les services, etc. » Quant au bouclier sanitaire, Jean-Pierre Fourcade le juge « dangereux » et non prioritaire. « Nous devons d’abord régler le problème de la dépendance ! »
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