Décision Santé-le Pharmacien Hôpital. Quelle la réaction du Synprefh sur la loi de santé ? Constitue-t-elle une avancée pour les pharmaciens hospitaliers ?
Patrick Leglise. Pour les pharmaciens, cette loi brille surtout par ses absences. Un amendement qui avait obtenu l’accord de la Direction générale de la santé (DGS) et de Marisol Touraine lors de sa participation à la Journée de l’Ordre national des pharmaciens n’a pas encore trouvé place dans le texte adopté par l’Assemblée nationale. Or, il devait corriger un article de la loi de financement de la Sécurité Sociale 2015 qui avait introduit une dérogation sur le monopole de distribution pharmaceutique pour les plasmas devenus des médicaments dérivés du sang. Cette dérogation aurait alors été transitoire. Et les plasmas au 1er janvier 2016 devaient réintégrer le circuit pharmaceutique du médicament en janvier 2016. Mais ce principe a été bloqué au niveau du cabinet de la ministre.
D. S-P. H. Pourquoi certains plasmas bénéficient-ils d’un statut particulier ?
P. L. On se trouve dans une situation inextricable qui relève d’une usine à gaz. A savoir, l’article de la loi de financement de la Sécurité sociale a créé une situation nouvelle. Il donne la responsabilité au pharmacien hospitalier de gérer les achats et l’approvisionnement de ces produits. Quant à l’Etablissement français du sang (EFS), il en gérerait le stockage et la délivrance. Ce qui est une entorse majeure au monopole pharmaceutique, simplement pour protéger les intérêts de l’EFS. L’une des missions premières du pharmacien est bien la dispensation et donc la délivrance des médicaments. Ces missions assurées classiquement par le pharmacien contribuent à la sécurisation du circuit du médicament. Or, une pharmacie à usage intérieur n’a pas la possibilité de stocker du plasma SD. Les autres plasmas ne sont pas concernés par cette mesure. Pour répondre aux besoins, l’EFS a alors augmenté la production des autres plasmas qui ne sont pas soumis à ce régime. L’EFS prétend que les plasmas sont en fait tous substituables. La séroconversion à l’hépatite E, prétend l’EFS, serait un épiphénomène.
D. S-P. H. Quelles sont les propriétés du plasma SD par rapport aux autres types de plasma ?
P. L. Il est sécurisé vis-à-vis du virus de l’hépatite E. C’est de plus un plasma poolé issu de cent-vingt donneurs qui garantit une teneur stable en facteurs plasmatiques. Il est enfin une alternative en cas d’allergie aux autres plasmas.
À ce jour, l’EFS n’a plus le droit de produire les plasmas SD depuis le 1er février 2015 à la suite de la plainte déposée par le laboratoire Octopharma. La production en France a donc cessé. Marisol Touraine nous avait promis le retour à un circuit strictement pharmaceutique comme pour les autres produits dérivés du sang. La promesse n’a donc pas à ce jour été respectée...
D. S-P. H. Pourquoi le plasma SD a-t-il acquis ce statut ?
P. L. Tout simplement parce que sa production est issue d’un procédé industriel. Il relèverait donc du statut des médicaments avec l’octroi d’une AMM. Son importation ne peut être refusée par les autorités s’il respecte les normes de prélèvement éthique du sang dont il est issu.
Or les autres types de plasma répondent également à des normes industrielles. À terme, on imagine même des projets de plasmas lyophilisés. Tous les plasmas devraient donc relever du circuit pharmaceutique. L’exception créée ne sert que les intérêts de l’EFS et non pas la sécurité des patients.
D. S-P. H. Quels sont les articles de la loi de santé visant également l’activité des PUI ?
P. L. L’article 37 de la loi de santé s’inscrit aussi dans cette problématique. Il concerne les médicaments de thérapie innovante (MTI) de type thérapie génique ou cellulaire. Ce sont clairement des médicaments. Certains EFS ont certes obtenu le statut d’établissement pharmaceutique. Mais l’EFS dispose, on l’a vu, du droit de stockage et de délivrance pour les plasmas SD. Si on laisse passer cette dérogation au monopole pharmaceutique pour les plasmas, une brèche est ouverte où s’engouffreront les MTI, enjeu majeur d’avenir pour les PUI.
Cette défense du monopole pharmaceutique n’a pas d’objectif corporatiste. Elle s’inscrit dans une démarche de sécurité sanitaire au service de la population sans recherche de profit. L’EFS est certes en proie à de sérieux problèmes économiques. Mais faut-il pour autant mettre en péril l’organisation du médicament en France ?
Le centre EFS de Bordeaux a perdu la production de plasma de SD. Par ailleurs, il est logique que l’EFS souhaite s’engager dans les thérapeutiques d’avenir. À condition qu’il ne se substitue pas aux missions des PUI dans les fonctions d’approvisionnement, de stockage, de dispensation et de préparation, le cas échéant, au sein des hôpitaux. Il y a un partage des rôles qui doit être respecté, sans oublier la préparation des médicaments (MTI ou non MTI) dans les essais de recherche clinique qui relèvent de la responsabilité des pharmaciens. Au-delà de l’EFS, nos missions sont également menacées par des services hospitaliers qui auraient obtenu l’autorisation de produire ces MTI. Cette option est inscrite dans l’article 37 qui donne l’autorisation d’importer et d’exporter des MTI à des établissements non pharmaceutiques. Clairement les pharmacies hospitalières sont exclues du dispositif sous le prétexte qu’elles ne disposent pas du droit d’exporter des produits utilisés dans le cadre des essais cliniques multicentriques. Cette loi favorise les EFS et certaines équipes médicales qui n’auraient plus besoin de recourir à des pharmaciens.
D. S-P. S. La pharmacie hospitalière serait-elle la grande oubliée de la loi ?
P. L. L’article 51 donne l’autorisation au gouvernement de légiférer par ordonnance sur l’organisation des PUI. On donne un chèque en blanc au gouvernement. Pourquoi pas, à condition que l’exposé des motifs soit respecté. Exemple, l’assouplissement du droit des PUI laisse peu de souplesse aujourd’hui à la mise en place de coopération entre PUI. Or, au Synprefh, nous avons toujours soutenu la coopération entre PUI sur un territoire de santé. Actuellement, il faut passer par la signature d’un contrat du type groupe de coopération sanitaire (GCS). À l’avenir, la signature d’une convention sous le contrôle de l’ARS participerait au processus de simplification administrative. On souhaiterait également créer des pharmacies à mission unique qui exerceraient pour le compte d’autres pharmacies d’un même territoire de santé. Par exemple, il n’est pas possible de mettre en place une pharmacie qui produirait des préparations hospitalières pour le compte d’autres PUI. La mutualisation de moyens devrait à terme être plus aisée afin d’aider à l’acquisition d’automates de dispensation.
Enfin, il s’agit aussi de développer d’autres missions comme la pharmacie clinique. La mise en place d’une conciliation médicamenteuse pourrait être la première marche, comme s’est engagée Marisol Touraine.
Le développement de la pharmacie clinique se heurte simplement au manque de moyens. En Grande-Bretagne, les hôpitaux disposent d’un pharmacien pour vingt-cinq lits. En France, la moyenne s’établit à un pharmacien pour quatre-vingt lits. C’est aussi un pari pour le gouvernement et le ministère de la Santé. Lorsqu’on investit une livre sterling dans la pharmacie clinique, on économise au final dix livres sterling au système de santé britannique. La recherche du retour à l’équilibre financier pour chaque établissement hospitalier ne se révèle pas toujours un investissement rentable.
D. S-P. H. Quels sont les points positifs de la loi ?
P. L. Les points positifs ne vont pas assez loin. La loi de santé rend obligatoire l’adhésion à un groupement hospitalier de territoire. Sauf que l’on ne connaît pas la future gouvernance de ces GHT. Toutes les structures hospitalières vont être impactées. Mais le flou est total sur cette recomposition. Quel sera le pilote dans l’avion ? Nous sommes certes favorables à une organisation territoriale de la santé. Par ailleurs nous soutenons la remédicalisation de la gouvernance hospitalière, même si le processus se réalise à petit pas. La CME a récupéré certaines de ses prérogatives perdues lors du vote de la loi HPST, notamment dans la gestion des ressources humaines médicales. Pour autant, l’avis de la CME demeure consultatif et ne s’impose pas au directeur. La loi restaure les services, même si cela est symbolique. Pour notre part, nous appelons à ce que l’autorité fonctionnelle des chefs de service sur les équipes soit reinstaurée. Persiste sur le terrain un conflit entre l’organisation hospitalière et la réglementation pharmaceutique. L’autorité technique avec le retour de la notion de services serait ainsi confirmée.
Au-delà des pharmaciens, on défend au sein de l’INPH la nécessaire attractivité des carrières hospitalières.
Au final, le bilan s’avère très négatif pour la pharmacie hospitalière. Saluons toutefois une grande avancée avec la création d’un service public d’information sur les produits de santé.
En parallèle, une expérimentation est menée dans quatre régions pilotée par la Société française de pharmacie clinique avec deux régions où l’information est centrée sur les professionnels de santé et deux autres plutôt vers le grand public.
D. S-P. H. Quels sont les enseignements tirés cette année de votre enquête nationale ?
P. L. Le Synprefh organise chaque année des réunions régionales. Le thème portait sur les missions mutualisables ou non par des pharmacies hospitalières au sein d’un territoire. Les activités techniques de type production pharmaceutique peuvent être mutualisées parce qu’elles exigent des compétences spécifiques et de gros investissements. Dans ce cadre, on peut aussi inclure les commandes et les achats de produits de santé. En revanche, les activités de stockage et de dispensation sont des missions locales et doivent être au plus près des patients. Un écueil doit être évité, celui d’un CHU qui aspirerait toutes les compétences et se réserverait alors les activités relevant de la production technique. Il n’est pas souhaitable que les autres établissements perdent des compétences précieuses.
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