Décision Santé. En trois ans, le marketing hospitalier s’est-il développé ?
Laetitia Robillard. Dans un certain sens, oui. Nous avons vu apparaître des fonctions de directeur de patientèle, voire de directeur de clientèle, à Lisieux par exemple. En revanche, en termes de documentation, de formation sur le sujet, nous ne sommes guère plus avancés qu’en 2007. Il y a bien eu en Belgique des expériences qui ont été menées, à partir des travaux du professeur Frédéric Bilen de HEC. Il faut tout de même noter que s’est tenue à Lille la première journée internationale du marketing en santé en novembre dernier, mais elle n’était pas spécifiquement orientée sur les établissements de santé. Pour en revenir à cette expérience belge, dont l’acronyme est ASP (attente et satisfaction des patients), il était question de créer un service orienté sur la satisfaction du patient.
D. S. Quels sont les freins, selon vous, au développement du marketing à l’hôpital ?
L. R. Avant tout, je pense qu’il y a une méconnaissance de ce qu’est le marketing à l’hôpital. Ajoutez-y également une connotation péjorative du terme même de marketing. Si l’on doit développer le marketing à l’hôpital, il faudrait peut-être emprunter une terminologie détournée. Car les hôpitaux font déjà du marketing de manière éparse, non systémique. Ils en font sur ce qu’il est convenu d’appeler le "marketing d’études", via le PMSI. En revanche, il faudrait développer le marketing opérationnel, et le marketing relationnel, à savoir la communication, où l’hôpital a encore de grandes marges de manœuvre. Si le métier de chargé de communication existe, surtout dans les gros hôpitaux, il n’est pas forcément structuré. Il n’est pas encore considéré par la direction comme un outil stratégique.
D. S. La publicité est-elle en contradiction avec l’éthique médicale ?
L. R. Non, ce n’est pas rédhibitoire, dans le sens où la communication peut porter sur tous les services annexes au soin. La communication commence dès la signalisation de l’hôpital dans la ville, sur Internet grâce au site de l’hôpital, dès le bureau des admissions… Elle concerne aussi la satisfaction de l’usager sur les services hôteliers, et autres services annexes. On peut faire également de la communication sur les prises en charge à l’hôpital via le site Internet sans tomber dans la promotion des actes médicaux en tant que tel. Je vous accorde que la frontière est mince.
D. S. La logique de marque est-elle envisageable à l’hôpital ?
L. R. Dans une certaine mesure, la logique de marque est envisageable à l’hôpital, mais le niveau de maturité n’est pas encore suffisant. Ne fût-ce que pour des actions de marketing classique, les hôpitaux ne sont pas encore au diapason ; alors la mise en place d’une logique de marque, qui est le niveau supérieur, ne peut pour le moment pas être possible.
D. S. Le secteur privé a-t-il pris de l’avance sur le public ?
L. R. Le secteur privé se targue en effet de faire du marketing. Mais, dans les directions fonctionnelles, la mise en place d’un processus client/patient organisé pour leur satisfaction n’est pas encore une réalité dans la totalité des cliniques privées. Les outils propres au marketing des services que l’on retrouve par exemple dans l’hôtellerie ou dans le tourisme ne sont pas encore adoptés dans le secteur privé. Même si le privé communique plus. Il y a aussi moins de freins idéologiques et culturels.
D. S. Dans votre article vous évoquez la règle des 4 P (product, price, place, promotion). Vous dites que l’hôpital ne peut se positionner que sur le product et la promotion. Comment vend-on le produit hôpital ? Malgré tout, n’y a-t-il pas des tentatives pour intervenir sur le price (prix) ?
L. R. Les choses ont évolué depuis 2007. Sur le produit « hôpital », il y a beaucoup de choses à faire, si on le considère non comme un bien mais comme un service. On peut dès lors lui appliquer toute la méthodologie propre au marketing des services.
D. S. Selon vous, le marketing a-t-il un avenir à l’hôpital ?
L. R. Je pense que l’hôpital n’aura pas le choix. Le marketing est réellement une fonction structurante et stratégique pour l’hôpital, au même titre que la fonction financière ou la fonction RH. Les patients sont devenus des consommateurs de soins, acteurs de leur processus de prise en charge. L’hôpital se doit de communiquer sur les services qu’ils proposent.
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