Décision Santé. Le Cloud fait la une des journaux professionnels. Effet marketing ou réelle maturité, selon vous ?
Olivier Pontiès. Ce modèle est en pleine maturation ; il est éligible dans les processus de consultation si l’on en juge à travers les choix opérés autour de nous et les intégrations réalisées. Des exemples ? Le Mipih toulousain offre un accès distant à toutes ses applications, en mode Saas. Et compte une trentaine de références en portefeuille. L’Asip-Santé s’y intéresse. L’appel d'offres qu’elle vient de lancer pour un outil unifié destiné aux Samu illustre son ouverture à ce modèle. Cerner ou encore Microsoft interviennent également sur ce segment, sachant que l’éditeur de la suite Windows propose de plus en plus sa bureautique dans une logique de service (Office 365). Pour autant, si l’offre est plurielle, la demande est souvent du côté des établissements de taille réduite. Les grands sont plus réticents, pour le moment.
D. S. Qu’est-ce qui justifie le recours à ce modèle selon vous ?
O. P. Les établissements de santé ne vont pas dans le nuage informatique pour le plaisir d’y aller. Différents arguments opérationnels justifient leur démarche, celle-ci étant dictée par le métier. Les hôpitaux de taille réduite ont généralement des problèmes de compétences informatiques et, de ce point de vue, rencontrent des difficultés à faire face aux demandes des utilisateurs. Le Cloud leur apporte le meilleur de l’informatique sans ses inconvénients, ces derniers étant pris en charge dans le cadre d’une prestation de service encadrée par une convention de qualité. D’autre part, le recours au nuage informatique introduit une plus grande souplesse dans la gestion des infrastructures que le modèle traditionnel. De ce point de vue, l’équipe utilisatrice peut bénéficier d’une montée en charge temporaire de sa puissance de calcul à la demande. Fini le phénomène de pallier que connaissent bien les DSI. En outre, le Cloud permet de transformer des postes d’investissement en location, ce qui permet de faire des économies. Enfin, la mutualisation et le partage d’information à l’échelle régionale préconisée dans le cadre de la loi HPST (CHT) poussent au recours à cette approche, source de partage des charges.
D. S. Qu’en est-il de ses limites ?
O. P. La première se situe par rapport aux réseaux dont la qualité de service n’est pas toujours garantie. En région Paca, en moins de cinq ans, nous avons constaté des pannes d’Internet de plusieurs heures du fait de la rupture d’une fibre optique. Que serait devenue l’AP-HM si elle avait un SIH en mode Cloud ? Il y a en plus un problème juridique, avec une attention particulière pour la localisation des données : certaines peuvent être et sont hébergées hors d’Europe. Ce qui poserait d’importants problèmes légaux. Ne pourraient-elles pas tomber sous le coup du Patriot Act américain ?
D. S. Quelle est la stratégie de votre groupe et, surtout, comment réagit le personnel médical par rapport à ce changement ?
O. P. Nous n’avons pas de dogme en la matière (cf. position du DG dans l’article général). Certains partenaires nous poussent à y aller. Mais nous y résistons car nous avons de bonnes compétences internes. Dans la partie « Système, Réseaux, Exploitation », nous avons, par exemple, une équipe d'une cinquantaine de personnes. N’externaliser qu’une partie de notre périmètre ne nous permettrait pas d’engranger les économies d’échelles promises par les fournisseurs. Sur le plan technique, cela pose aussi d’importantes problématiques : par exemple, quand un identifiant patient est créé au sein de notre SIH, il est répliqué immédiatement sur 18 applications. Faire transiter autant de flux par le réseau est complexe et coûteux.
Quant aux professionnels de santé, ils affichent une très grande méfiance pour ce modèle, du fait des raisons de confidentialité des données. Cela dit, il est certain qu’un grand CHU portera tout son SIH sur le Cloud d’ici à cinq ans.
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