Le débat sur le prix du médicament a été lancé au plus haut niveau de l’Etat… après les mots de François Hollande à Lyon le 23 mars dernier appelant « à ce que le prix des médicaments puise être maîtrisé, régulé ». La thématique devrait être abordée lors du sommet du G7 en mai prochain au Japon. En France, la Ligue nationale contre le cancer a sonné la première le tocsin. Après avoir tiré la sonnette d’alarme en décembre dernier, l’association de patients a lancé le 7 avril dernier une pétition sur www.change.org/cancers-chers-medicaments. Des médecins ont rejoint le mouvement. Cent dix oncologues ont signé une pétition dans Le Figaro. Ils dénoncent « le coût exhorbitant » des médicaments anticancéreux. Faut-il craindre demain le rationnement dans la prise en charge du cancer en France ? « Chacun pense que nous allons entrer dans une période de rationnement des soins », écrit dans un communique de presse, le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss). Le risque n’est pas que théorique.
Le Leem ne réfute pas le problème. Les industriels s’indignent toutefois de la campagne d’affichage qui vient d’être lancée par la ligue. « Aucun patient n’a jamais été privé de médicaments en France pour des raisons économiques. » L’association professionnelle met en regard le coût avec les économies générées par l’amélioration de la prise en charge et de la survie. Les patients sont ainsi mieux sélectionnés.
En fait, le danger d’une médecine à deux vitesses serait plutôt lié au décret publié en mars dernier au Journal officiel. Il fragilise le dispositif unique de la liste en sus made in France, qui permet l’accès à l’innovation thérapeutique. Au départ, la promulgation de ce décret relevait du seul principe de sécurité juridique. L’inscription ou la radiation de produits de la liste n’était pas strictement encadrée. Et avait d’ailleurs été contestée dans les tribunaux. À l’arrivée, les impératifs budgétaires ont largement influencé les juristes.
Nouveaux critères retenus
Quels critères ont été retenus ? Les médicaments dont l’amélioration du service rendu (ASMR) est égale ou inférieur à 4 sont exclus de la liste. Sont visés des médicaments majeurs comme l’Avastin® (laboratoire Roche) ou l’Alimta® (laboratoire Lilly) par exemple. Pour certains oncologues, c’est tout simplement l’égalité d’accès aux soins qui serait en péril.
Comment en est-on arrivé à ce point de rupture ? Avant la rédaction de ce décret, la radiation de spécialités avait pourtant fait l’objet de recommandations rédigées par le Conseil de l’hospitalisation en février 2015. L’exclusion devait reposer sur l’évolution de la fréquence de prescription, la baisse du coût moyen de traitement ou une nouvelle évaluation conduite par la Commission de transparence qui aurait émis un nouvel avis minorant l’ASMR et/ou le SMR. Ces mêmes recommandations mentionnent le risque de report de la prescription vers d’autres spécialités plus onéreuses. Pour le moins, ces avis n’ont pas été pris en compte.
Innovations à venir coûteuses
Le dispositif de la liste en sus, s’il a permis de belles avancées, aurait-il donc vécu ? L’accès aux molécules innovantes est l’un des piliers d’excellence du système sanitaire français. Il présente désormais des fissures. Peut-on encore les colmater ? La gestion « dynamique » de la liste en sus exige peut-être d’autres solutions. Lors de la présentation de l’Ondam 2016, les ministres escomptaient il est vrai 205 millions d’économies grâce à la révision de la liste en sus. Dans le même temps, des innovations majeures et donc coûteuses sont annoncées. L’immobilisme n’est plus de mise. « Le modèle actuel ne pourra accueillir les salves d’innovation thérapeutique sans modifier les règles financières », a reconnu éric Baseilhac (Leem) lors de la dernière édition des Rencontres de la cancérologie française. Les exclusions de la liste en sus seront annoncées dans les prochaines semaines. Faudra-t-il alors parler de virage stratégique ?
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