« C'est la négation de la politique conventionnelle. » Ce patron de la filiale française d'un grand groupe américain ne décolère pas contre la politique du gouvernement en matière de politique des prix des médicaments.
On sait, depuis cet été et la publication du plan Guigou, que les pouvoirs publics, pour tenter de réduire la facture des dépenses de médicaments remboursés, ont décidé de jouer la baisse des prix comme élément principal. Réduire les prix des spécialités, dont la commission de la transparence a jugé le service médical rendu (SMR) insuffisant, peut, dans une certaine mesure, être compris par les responsables du secteur, à défaut d'être facilement accepté par les fabricants de ces produits. En revanche, baisser ceux dont l'efficacité a été largement reconnue, comme le plan Guigou de juillet dernier l'a préconisé, continue à créer bien des remous dans les milieux industriels, notamment chez les multinationales.
Un projet qui a longtemps mûri, puisque dès juin 1999 (voir « le Quotidien » du 15 juin de la même année) Martine Aubry, alors chargée de l'assurance-maladie, avait envisagé un tel remède.
Malgré les déclarations vigoureuses de certains patrons de firmes internationales et les protestations du Syndicat national de l'industrie pharmaceutique, le gouvernement actuel est bien décidé à maintenir ce cap. Preuve en est d'ailleurs la lettre envoyée, après la publication du plan sur le médicament, au président du Comité économique des produits de santé, Noël Renaudin, chargé de négocier avec chaque laboratoire ces baisses de prix.
Dans cette lettre, signée par quatre ministres, Laurent Fabius, pour l'Economie, les Finances et l'Industrie, Elisabeth Guigou, pour l'Emploi et la Solidarité, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'Industrie, et Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé, le gouvernement explique bien sa politique en la matière. « Nous souhaitons, écrivent les ministres, que cette régulation (financière) s'exerce le plus possible par la voie de la baisse des prix, partout où cette baisse est justifiée ». Elle doit donc s'appliquer aux médicaments pour lesquels le SMR a été jugé insuffisant mais, poursuivent les signataires, « pour les médicaments dont le service médical rendu n'est pas contesté, nous lui demandons (au comité économique) d'examiner systématiquement l'opportunité d'en baisser le prix, en particulier dans les classes qui, par leur masse et la rapidité de leur développement, contribuent notoirement à ce que la croissance global (des dépenses) a d'excessif ».
Certes, les ministres préfèrent que tout ce processus se passe en plein accord avec les laboratoires pharmaceutiques concernés et que ces baisses soient discutées dans le cadre des accords conventionnels. Mais, ajoutent-ils aussitôt, si la négociation conventionnelle ne permet pas d'aboutir au « résultat souhaité », le comité devra « proposer sans tarder des fixations unilatérales des prix ». Comme le prévoit d'ailleurs le code de Sécurité sociale.
Remous chez les industriels
C'est cette dernière phrase qui a soulevé des remous chez certains industriels, dont certains aujourd'hui n'hésitent pas à dire que, pour le gouvernement, peu importe la manière, seul compte le résultat. Dans ces conditions, disent certains, « la négociation conventionnelle ne sert plus à rien ».Ce que l'on nie évidemment au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, où « l'on se dit toujours très attaché à la politique conventionnelle ».
Cette lettre ministérielle montre que, pour la fixation des prix des nouveaux médicaments, notamment innovants, le gouvernement veut réitérer la « procédure Celebrex » . On se souvient que, lors de la fixation du prix de ce médicament remboursable, le comité et le fabricant s'étaient mis d'accord sur un tarif, qui devait ensuite baisser de 18,2 % au bout de trois ans et huit mois. Une méthode de régulation de prix séduisante pour les pouvoirs publics qui voient là une manière de procéder à des réductions de prix sans nouvelles négociations et sans créer de nouvelles polémiques. « Nous jugeons également souhaitable, écrivent les ministres, que soit renouvelée et banalisée la méthode, initiée en 2000, de programmation, dès l'inscription, de la baisse de prix de médicaments nouveaux, au-delà d'une période de lancement où un prix élevé est la contrepartie légitime de l'investissement de recherche et de développement. »
C'est dans le même esprit que les quatre ministres insistent aussi sur le fait, que concernant « la fixation initiale des prix, lors de l'inscription », le comité « doit agir avec une sélectivité renforcée ».
Il est clair que cette lettre, même si elle date aujourd'hui de plusieurs mois, est toujours d'actualité et tient lieu de politique de prix du gouvernement en matière de médicaments. Et c'est bien ce qui semble inquiéter, parfois même agacer, les industriels, qui ont la certitude qu'ils n'arriveront pas à infléchir cette politique. D'autant que Laurent Fabius, inquiet des finances de la Sécurité sociale pour les mois à venir, aurait voulu que les décisions du gouvernement, annoncées en juillet, soient plus sévères. Et il est donc décidé à ne pas céder une nouvelle fois.
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