De notre correspondante
à New York
LA DÉCOUVERTE de la leptine, il y a exactement dix ans, a considérablement accéléré la recherche sur l'obésité, la neurobiologie de la prise alimentaire et le diabète. Mais il reste encore beaucoup à apprendre.
Cette hormone produite par les adipocytes supprime l'appétit et régule le poids, en partie en modulant la fonction hypothalamique. La leptine module l'activité de deux populations de neurones dans le noyau arqué de l'hypothalamus qui régulent la prise alimentaire : elle inhibe les neurones producteurs du neuropeptide Y (NPY), orexigène, et active les neurones producteurs du neuropeptide Pomc (propiomélanocortine), anorexigène. Elle agit ainsi en se fixant directement sur ces neurones et en modulant la production et la libération des neuropeptides.
Deux études chez la souris révèlent que la leptine agit de deux autres manières sur le circuit neuronal de l'hypothalamus.
L'équipe de l'université Rockefeller (New York), dirigée par le Dr Jeffrey Friedman, qui a découvert la leptine, en collaboration avec des chercheurs de Yale (New Haven), montre que la leptine agit sur les connexions synaptiques des neurones hypothalamiques qui régulent la prise alimentaire.
Souris déficiente en leptine.
Leurs travaux ont été réalisés chez la souris déficiente en leptine (ob/ob) modifiée de façon à exprimer une protéine vert fluo différente soit dans les neurones NPY, soit dans les neurones Pomc.
Ils ont constaté que les souris déficientes en leptine, par rapport à des souris normales, ont davantage d'entrées excitatrices sur les neurones NPY et d'entrées inhibitrices sur les neurones Pomc. Ces changements d'activité électrique s'accompagnent du constat d'un nombre différent de synapses excitatrices et inhibitrices au niveau ultrastructurel.
De façon importante, l'administration systémique de leptine chez les souris ob/ob normalise rapidement la densité des synapses. Cet effet s'observe dans les six heures de la supplémentation, bien avant que l'hormone agisse sur la prise alimentaire. De fait, il faut attendre 48 heures pour que les souris mangent moins, et 12 jours pour qu'elles perdent du poids.
« En réponse à la leptine, les cellules créent de nouvelles connexions. C'est un effet très dynamique qui est assez important et relativement surprenant », commente dans un communiqué le Dr Friedman.
Les chercheurs suggèrent que cette plasticité synaptique induite par la leptine pourrait sous-tendre certains des effets de l'hormone sur la prise alimentaire.
Mémoire hypothalamique.
Selon Elmquist et coll. (Harvard, Boston), auteurs d'un commentaire associé, « cette plasticité synaptique pourrait être à la base, au moins en partie, d'une "mémoire hypothalamique" et d'un point de réglage du poids dans l'hypothalamus ».
Dans une seconde étude, Bouret et coll. (université d'Oregon à Beaverton) décrivent un autre rôle régulateur inattendu pour la leptine : celui d'un facteur de croissance neurotrophique durant le développement de l'hypothalamus, pendant une période critique néonatale chez la souris.
Ils ont, en effet, observé que les voies de projection nerveuse du noyau arqué de l'hypothalamus sont perturbées de façon permanente chez la souris déficiente en leptine (ob/ob). Toutefois, l'administration de l'hormone à des nouveau-nés ob/ob restaure l'innervation normale du noyau arqué vers ses cibles. Et, in vitro, la leptine favorise la croissance axonale des neurones du noyau arqué.
Cet effet, propose l'équipe, pourrait contribuer à la survenue chez l'enfant de l'obésité dépendante de la leptine.
« Comme la plupart des observations nouvelles et exaltantes, les études présentes suscitent de nombreuses questions », concluent Elmquist et coll.
« Science », 2 avril 2004.
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