«LA LOI actuellement en vigueur et qui date de 1946 nous interdit de radier les médecins de la clinique Santa Rita. Nous devons attendre le jugement en appel puis le verdict de la cour de Cassation.» Pour Ugo Garbarini, le vice-président de l'Ordre des médecins milanais, le moment est venu de modifier la législation. Surtout après l'affaire de « la clinique des horreurs » qui a défrayé la chronique italienne. «Nous devrions avoir la possibilité de procéder à une enquête de façon autonome ou, pour le moins, en étroite collaboration avec la justice. Or en l'état actuel, nous pouvons seulement enquêter dans un contexte déontologique», explique Ugo Garbirini. Compte tenu de la législation italienne, l'Ordre des médecins a donc dû se contenter de suspendre les médecins impliqués dans le scandale qui a bouleversé la péninsule le mois dernier. Petit rappel des faits : le 11 juin, 14 personnes, dont 13 médecins, employées dans une clinique milanaise conventionnée, sont poursuivies pour avoir fraudé la Sécurité sociale qui aurait été flouée de 2,5 millions d'euros en un an et demi à peine. Plus, le parquet milanais saisi du dossier accuse les suspects d'homicide volontaire avec la circonstance aggravante de cruauté pour certains praticiens dans une affaire orchestrée par Francesco Paolo Pipitone, le propriétaire de l'établissement. Ce notaire, âgé de 75 ans, aurait agi au détriment de ses patients en accord avec Pier Paolo Brega Massone, médecin chef de la clinique Santa Rita, dans un but purement lucratif.
Au total, 86 personnes auraient été opérées inutilement – cinq seraient mortes parfois dans des conditions épouvantables, ajoute l'accusation, d'autres auraient des lésions permanentes extrêmement douloureuses – pour permettre à la clinique d'obtenir des remboursements copieux puisque l'établissement était conventionné. Était, car les médecins venaient à peine d'être inculpés et Pier Paolo Masone incarcéré, que la Région lombarde suspendait immédiatement la convention pour une durée indéterminée.
Aujourd'hui, la justice suit son cours. L'accusation d'homicide volontaire a été retirée mais les médecins impliqués ne sont pas pour autant tirés d'affaire. Dans la profession, d'ailleurs, on souhaite que le verdict soit exemplaire. «Le problème, c'est que, dans certains établissements conventionnés, on spécule sur la peau des patients et l'éthique professionnelle est reléguée à l'arrière-plan. Reste le fait que pour organiser une opération d'une telle envergure, il faut monter un système de connivence à un haut niveau en impliquant le secteur médical mais aussi administratif et même sûrementpolitique», accuse Marco Macri, urgentiste dans un hôpital romain. Tout en rappelant que ce n'est pas la première fois qu'un scandale éclate dans la santé italienne.
Des rats dans les couloirs.
En 2000, le Pr Marcello Spallone, copropriétaire de la clinique Villa Gina, située dans la banlieue romaine, est arrêté alors qu'il tentait de s'enfuir à l'étranger. Accusé de plusieurs homicides volontaires, ce médecin, qui avait monté un service d'avortements clandestins, écope de 30 ans de prison. Trois gynécologues, un anesthésiste et une secrétaire seront également condamnés à différentes peines dans cette affaire.
L'an dernier, une enquête réalisée par l'hebdomadaire « l'Espresso » débouche sur la publication d'un bulletin de santé catastrophique pour la santé italienne. Le portrait de la plus grande polyclinique transalpine, le centre hospitalier romain Umberto-Ier, qui compte 1 300 lits, brossé par le journaliste déguisé en agent d'entretien, est effrayant. Sol jonché de mégots à quelques pas du service de réanimation, sacs poubelles entreposés le long de couloirs vétustes, crottes de chien et rats à l'affût de restes. Sans compter une carence chronique de personnel manifeste, note le journaliste, le peu de surveillance des réfrigérateurs contenant des cultures de bactéries et de virus, voire de substances radioactives. Ce reportage bouleverse les Italiens et le ministère de la Santé ordonne une enquête au niveau national. Résultat : 17,4 % des structures sont déclarées hors normes, soit un hôpital sur six. De quoi justifier la réaction des Italiens qui préfèrent bien souvent se faire soigner à l'étranger…
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