À SA SORTIE du ministère de l'Enseignement supérieur après deux heures d'âpres discussions, Virginie Prade portait le masque. Portée par un camarade, la présidente de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) s'est adressée aux 2 000 manifestants qui avaient fait le déplacement pour demander le retrait de la lecture critique d'article (LCA) des épreuves classantes nationales (le « Quotidien » du 22 février). Elle savait à cet instant que le message qu'elle allait lire ne satisferait pas tout le monde. «Nous avons été reçus par le directeur de cabinet de François Goulardet son conseiller. D'ores et déjà, l'engagement a été pris de supprimer l'épreuve de lecture critique d'article en 2008. Il a également été convenu que la mise en oeuvre de l'épreuve de lecture critique serait suspendue dans l'attente des conclusions d'un rapport confié au député Pierre-Louis Fagniez. Nous serons reçus à nouveau au ministère de l'Enseignement supérieur dans la dernière semaine du mois de mars après la remise du rapport.»
Des étudiants de Montpellier, fers de lance de la contestation, n'ont pas tardé à crier leur colère. «La suppression ne concerne que les D3. Que va-t-on faire pour les étudiants qui sont en D1 et en D2?, s'exclame l'un d'eux. Tu sais comment ça se passe avec les rapports?Ils font ça pour temporiser et casser le mouvement. Que fait-on pendant un mois?» Un cadre de l'Anemf répond : «Il faut continuer la mobilisation dans les facs, mettre la pression sur vos doyens…» «Nos doyens, ils s'en foutent!»
Un enseignement disparate.
Dans le cortège qui a rallié le ministère de l'Enseignement supérieur, les étudiants étaient unanimes sur les raisons qui les ont amenés à se mobiliser. Tous dénoncent une LCA injuste car inégalement enseignée selon les facultés. Un comble selon eux pour une épreuve qui consiste à résumer en 3 heures un article scientifique et à répondre à plusieurs questions et doit compter pour 20 % de la note finale. «Nous n'avons eu que 4heures de cours sur cette nouvelle épreuve, confie Cécile, en 5e année à Brest. Notre doyen dit que l'on a eu 64heures de cours de LCA pendant notre cursus mais il décompte24heures de biostatistiques de première année et une option d'épidémiologie que seulement une partie des étudiants a pu suivre.» Plusieurs carabins regrettent de ne pas avoir de professeurs attitrés à la LCA et de ne pas savoir si la discipline fera l'objet d'une grille de correction. «Nous redoutons de grands écarts de notation selon les correcteurs, souligne Pierre de Dijon. Nous sommes d'accords pour que l'épreuve soit validante pour le 2ecycle mais pas pour qu'elle compte aux ECN, dont le classement détermine notre future spécialité.»
Au ministère de l'Enseignement supérieur, on a été sensible à l'émotion des étudiants, des députés et même de quelques doyens : «Le ministre a sollicité Pierre-Louis Fagniez pour faire une évaluation très rapide de la mise en place de l'enseignement de la LCA dans les différentes facultés. Les informations dont nous disposons sont contradictoires et demandent à être vérifiées.»
Au terme de la manifestation, les présidents des associations locales étudiantes se sont réunis et ont décidé de poursuivre le mouvement. Des assemblées générales détermineront les modalités des actions locales. «Nous allons continuer à mobiliser le réseau institutionnel pour obtenir le retrait définitif de la LCA, commente Clément Lazarus, vice-président de l'Anemf. Le plus urgent était de sauver la promo de Dcem3, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de ça. Il faut que tout le monde comprenne que la LCA n'a pas sa place aux ECN.»
Le soutien des seniors
Plusieurs associations syndicales soutiennent les étudiants. MG-France regrette que l'enseignement de la LCA ne soit pas toujours assuré à l'identique dans toutes les facultés. Le Syndicat national des enseignants de médecine générale (Snemg) estime que le gouvernement «doit organiser l'harmonisation et l'évaluation des enseignements à la LCA avant de lui donner un caractère sanctionnant aux ECN». Les enseignants déplorent que le ministère de l'Enseignement supérieur ne l'ait jamais fait depuis cinq ans qu'est programmée l'épreuve. Enfin, l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-Img) constate que cet épisode est «révélateur du manque de volonté politique à mettre en place cette formation essentielle pour l'avenir des futurs acteurs de santé».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature