C'EST PLUS QU'UNE VAGUE, c'est un raz de marée, commentent la plupart des responsables syndicaux du monde médical.
Et il est vrai que ce résultat attendu, mais dont l'ampleur est plus forte que prévu, du moins au soir du premier tour des élections législatives, donne au président de la République et au Premier ministre les moyens de mettre en oeuvre la politique annoncée par Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle. Avec, évidemment, comme le confient le Dr Dinorino Cabrera, président du SML, et le Dr Michel Chassang, président de la Csmf, une obligation de résultats.
Des actes.
Dans le monde médical, il est sûr que l'on attend rapidement des actes. «Ces campagnes électorales ont duré trop longtemps, plus d'un an et demi, explique le Dr Martial Olivier-Koehret, président de MG-France, le nombre important des abstentionnistes le confirme. Et il est temps de se mettre au travail et de traiter les problèmes importants qui attendent le pays et notamment le monde de la santé.» Et en priorité, le président de MG- France souhaiterait que soient rapidement définis les rôles respectifs de la médecine libérale et de la médecine hospitalière.
Optimiste, le Dr Cabrera veut carrément l'être : «Le nouveau gouvernement aura les moyens, dit-il, de mettre en place la politique qu'il a voulue. Nicolas Sarkozy a maintenant toutes les cartes en main» ; et, au passage, le président du SML ne manque pas l'occasion de rappeler qu'il faut donner à la médecine de ville les moyens pour la qualité des soins avec des objectifs de dépenses réalistes. Sous-entendu : pas comme en 2007.
C'est ce point qui importe aussi au Dr Michel Chassang. Le fait que, en 2007, la loi de financement de la Sécurité sociale ait accordé, selon lui, dans le cadre des objectifs de dépenses, plus de moyens à l'hôpital qu'à la médecine de ville, est une «aberration». Il faut, poursuit-il, que, en 2008, les choses se passent différemment. Et, à l'évidence, le président de la Csmf compte sur le nouveau président de la République, le Premier ministre et le gouvernement pour que cela ne se reproduise pas et que l'on donne à la médecine de ville un objectif de dépenses plus réaliste. De plus, poursuit le leader de la Csmf, «j'attends que les promesses du candidat à la présidentielle, concernant l'instauration le plus rapidement possible du C à 23euros, la mise en place d'espaces de liberté tarifaires pour les médecins de ville et la réforme de l'hopital soit le plus rapidement tenues ou du moins que soit dressé un calendrier de mise en application».
En médecine de ville, en effet, le candidat Nicolas Sarkozy avait avancé un certain nombre de pistes que les médecins libéraux ne peuvent pas oublier : il s'agit notamment de l'alignement «au plus vite», avait-il dit, des honoraires des généralistes sur ceux des spécialistes. Alors que certains, notamment au sein de l'assurance-maladie, des administrateurs en particulier, ne verraient pas du mauvais oeil la remise en cause des revalorisations tarifaires promises aux médecins libéraux et notamment aux généralistes, le rappel de piqûre de Michel Chassang n'est sans doute pas anodin.
Les médecins se souviennent aussi de certaines propositions pour la mise en place d'espaces de liberté tarifaires, notamment pour les médecins qui font des efforts dans l'évaluation ou dans la FMC. Une revendication de longue date de la plupart des syndicats de médecins libéraux. Il faut ajouter à cette liste l'engagement du candidat à la présidentielle et de l'UMP de lutter contre la désertification médicale de certaines régions, et de certains départements, en encourageant le regroupement de médecins par des mesures initiatives.
Et les franchises ?
Mais, sans doute, l'une des réformes les plus délicates à mettre en oeuvre, peut-être avec celle de l'hopital sur laquelle nous reviendrons plus loin, concernera l'instauration de franchises pour les assurés, franchises non remboursables par l'assurance-maladie ni même par les mutuelles. Le débat est vif, même au sein de l'UMP. Le projet est d'instaurer quatre franchises : pour les soins, pour les analyses médicales, pour l'hôpital et pour les médicaments. Quel en sera le montant ? La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, qui, depuis, a tempéré ses propos, a avancé le chiffre de 10 euros par franchise et par famille, c'est-à-dire 40 euros au total. Chiffre qui fait bondir certains, même au sein de l'UMP. Tant et si bien que la ministre de la Santé dans l'entretien publié par « le Quotidien » le 8 juin tenait à préciser que cette réforme sensible fera l'objet «d'annonces structurées» du président de la République, du Premier Ministre et d'elle-même. Pas très clair, mais cela confirme que le débat fait toujours rage en haut lieu. Il est vrai que l'opposition est forte, et que les syndicats de médecins libéraux sont loin d'être enthousiastes. Ils l'ont fait savoir.
Les restructurations hospitalières.
L'hopital, une nouvelle fois à la réforme : c'est le message que le président et sa ministre de la Santé ont fait passer dès les premiers jours du quinquennat et aussitôt après la composition du gouvernement. «Il semble, commente le Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national de praticiens hospitaliers, que nous sommes plus dans une logique de continuité que de rupture.» Il n'empêche : Rachel Bocher précise qu'elle sera vigilante, en particulier sur « la démographie, le compte épargne-temps des praticiens hospitaliers, leur statut...». Et la présidente de l'Inph de préconiser une évaluation du système.
Mais le gouvernement, ici comme ailleurs, veut aller vite, notamment sur deux sujets, les 35 heures et les heures supplémentaires dans les établissements et les restructurations. Deux thèmes qui peuvent rapidement tourner à l'aigre pour la ministre de la Santé ; déjà, les syndicats de personnels montent au créneau et la coordination des comités de défense des hôpitaux et des maternités de proximité n'a pas attendu longtemps pour s'insurger contre les propos de Roselyne Bachelot sur les restructurations.
La réforme du financement de la protection sociale est l'un des dossiers qui tient le plus à coeur au président qui cherche les moyens, dans sa politique de l'emploi, à alléger les charges patronales ; dans ce contexte, il a émis l'idée d'expérimenter, comme en Allemagne, la TVA sociale. Il s'agit, on le sait, de relever d'un point, voire de deux, le taux de TVA. Cette recette supplémentaire serait reversée aux régimes de protection sociale, ce qui allégerait d'autant les cotisations patronales. Ce projet est loin de faire l'unanimité à cause des risques de reprise de l'inflation et de réduction de la consommation qu'il comporte. Même Raymond Soubie, conseiller social de Nicolas Sarkozy, émet des doutes sur le bien-fondé de cette réforme. Il n'empêche : le fait que le Premier ministre ait reçu il y a quelques jours les ardents défenseurs de ce système confirme que cette piste est étudiée de près par les experts gouvernementaux. Nouveau et grave débat en perspective.
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