Cinquante ans de traitement de la maladie de Parkinson

La L-dopa, indétrônable

Publié le 22/06/2017
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la L-Dopa

la L-Dopa
Crédit photo : Phanie

«La L-dopa reste le traitement de référence de la maladie de Parkinson (jusqu'à 80 % des patients traités dans la cohorte COPARK). Par ailleurs, la réponse à la L-dopa reste un critère diagnostique, les doses des autres traitements dopaminergiques s'expriment en «équivalent L dopa» et, la plupart des essais thérapeutiques se font en add-on ou en comparaison avec la L-dopa», précise le Pr Jean-Christophe Corvol (La Pitié Salpêtrière, Paris).

Deux cents ans d'histoire

«Décrite en 1817, rares sont les traitements alors proposés pour la maladie de Parkinson : les dérivés de l'atropine et la chaise trépidante ! Dès le début du XXe siècle, la Dopa est extraite à partir de fèves, mais il faut attendre le début des années 1950 pour que les chimistes décrivent les voies du métabolisme de la dopamine et donc, qu'ils décrivent que la Dopa est son précurseur. Mais c'est surtout la démonstration du Suèdois, Arvid Carlsson en 1957 qui révolutionne le domaine en montrant que des lapins rendus parkinsoniens par de la réserpine (déplétant les synapses dopaminergiques), retrouvent leur motricité grâce à l'administration de Dopa. Dans les années 1960, un Autrichien, le Dr Hornyckiewicz, note une diminution de la dopamine dans le cerveau post-mortem des parkinsoniens. Il montre aussi qu'une injection intraveineuse de Dopa améliore les symptômes de la maladie pendant quelques heures après l'injection (des patients alités remarchent !). Suivent alors des essais infructueux avec la Dopa par voie orale (à trop petites doses), au point que ce traitement manque de tomber dans l'oubli. C'est la persévérance du Dr Cotzias, aux Etats-Unis, qui finit par payer : en 1967, en augmentant progressivement les doses orales jusqu'à 16 grammes par jour, il obtient une régression spectaculaire des symptômes chez quelques patients. S'ensuit un essai en double aveugle en 1969 : le Dr Yahr (USA) utilise alors l'isomère actif, la L-Dopa et un inhibiteur de la carboxylase périphérique pour augmenter sa biodisponibilité, diminuer ses doses et améliorer la tolérance. C'est un succès, suivi un an plus tard de l'approbation de la L-Dopa dans le traitement de la maladie de Parkinson par la FDA. Suivront le développement des agonistes des récepteurs dopaminergiques dans les années 1970 puis, les inhibiteurs du métabolisme de la dopamine, inhibiteurs de MAOB et de COMT».   Des controverses à la base de grandes avancées «Après une «lune de miel», l'efficacité de la L-Dopa n'est plus aussi bonne : des fluctuations motrices et des mouvements anormaux apparaissent. La question de la toxicité de la L-Dopa fait alors débat : des mécanismes oxydatifs intracellulaires sont retrouvés in vitro, mais à des concentrations bien supérieures à celles obtenues avec les doses thérapeutiques chez l'homme. Parallèlement, la découverte du rôle de la dopamine dans le cerveau fait encore évoluer les connaissances en neurosciences (comment se prépare et s'exécute un mouvement). Et l'effet de la dopamine sur les récepteurs dopaminergiques en interaction avec d'autres systèmes (récepteurs au glutamate) - qui pourrait expliquer les effets indésirables - vaut au Dr Greengard, le prix Nobel en 2000 en même temps que les Dr Carlsson et Cotzias».De nouvelles stratégies apparaissent pour traiter et prévenir ces complications : utiliser les agonistes dopaminergiques en 1ère intention, pour retarder l'apparition des dyskinésies, en est une. La mise au point de nouvelles formes galéniques pour minimiser les fluctuations motrices, d'inhibiteurs du métabolisme de la dopamine pour prolonger ses effets, en sont d'autres. Dans les cas plus avancés, on propose la délivrance continue du traitement par des pompes à administration sous-cutanée ou intraduodénale. La stimulation cérébrale profonde est aussi une avancée majeure permettant de traiter les fluctuations motrices et les dyskinésies chez certains patients.

 

Dr Nathalie Szapiro

D’après un entretien avec le Pr Jean-Christophe Corvol, ICM, Département des Maladies de Système Nerveux, Hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris.

 

Encadré = La maladie de Parkinson en 2017«A ce jour, des efforts restent cependant à faire, notamment sur les symptômes non moteurs de la maladie (troubles du sommeil, cognitifs, du comportement, chutes et troubles de posture, dysautonomie) qui sont peu ou pas sensibles au traitement dopaminergique. Par ailleurs, il n'existe pas de traitement permettant de stopper ou même freiner l'évolution de la maladie. Enfin, outre les effets secondaires périphériques de la L-Dopa (nausées, hypotension), des troubles du comportement engendrés par les traitements dopaminergiques à type d'addictions comportementales (jeu et achats pathologiques, hypersexualité, troubles du comportement alimentaire) demeurent un problème dans la prise en charge des patients. Mieux reconnaître les personnes à haut risque, notamment en raison de facteurs de susceptibilité génétique, fait l'objet d'études actuellement, pour personnaliser le traitement des patients». A suivre !

 

 

 


Source : Bilan Spécialiste