LES RESULTATS d'une étude américaine suggèrent que l'administration de L-carnitine (à raison d'environ 100 mg/kg/jour) pourrait prévenir l'apparition des pertes auditives induites par la gentamicine. Kalinec et coll. ont en effet observé, in vitro et in vivo dans le modèle du cochon d'Inde, que la L-carnitine inhibe les voies de signalisation cellulaire induites par la gentamicine et responsables de l'apoptose des cellules auditives.
La L-carnitine est un petit peptide naturel qui joue un rôle crucial dans le fonctionnement des mitochondries. Il a été démontré que son administration peut conduire à la réversion de différents troubles cellulaires dus à des dommages oxydatifs. Diverses données suggérant, par ailleurs, que les effets délétères de la gentamicine dépendent justement de la formation de radicaux libres au niveau des mitochondries, Kalinec et coll. ont eu l'idée de tester l'effet de la L-carnitine sur l'ototoxicité de cet antibiotique.
Des cochons d'Inde gravides.
Les chercheurs ont choisi de travailler avec des cochons d'Inde femelles gravides et d'étudier l'effet de la gentamicine et celui de la L-carnitine sur l'audition de leurs petits. Dans ce but, les mères ont reçu une injection quotidienne d'antibiotique (100 mg/kg) pendant une semaine, entre le jour 51 ± 2 et le jour 57 ± 2 de leur gestation (fin de la gestation). Une partie d'entre elles ont, en outre, reçu de la L-carnitine via leur eau de boisson, avant ou pendant le traitement à la gentamicine. Deux semaines après leur naissance, l'audition des petits a été évaluée par mesure de la réponse évoquée auditive du tronc cérébral.
Comme attendu, l'audition des petits issus de mères qui ont uniquement reçu la gentamicine s'est révélée significativement altérée par rapport à celle des animaux témoins. En revanche, l'audition des petits des mères qui ont reçu l'antibiotique et la L-carnitine (avant ou pendant le traitement antibiotique) était normale.
Souhaitant en apprendre davantage sur les mécanismes moléculaires impliqués dans l'ototoxicité de la gentamicine et sur l'origine de l'effet protecteur de la L-carnitine, les chercheurs ont poursuivi leur étude in vitro. Ils ont utilisé une lignée de cellules auditives particulièrement sensibles aux molécules ototoxiques et l'ont exposée à la gentamicine.
L'entrée en apoptose.
Ils ont alors observé que l'antibiotique entre dans les cellules et provoque des changements morphologiques et biochimiques typique de l'entrée en apoptose.
Une analyse transcriptionnelle a ensuite révélé que la gentamicine conduit à la surexpression d'un gène proapoptotique malicieusement nommé Harakiri. La surexpression de ce gène est apparemment indispensable à l'ototoxicité de la gentamicine : si l'expression de Harakiri est bloquée par des ARN interférents, les cellules auditives exposées à l'antibiotique ne meurent pas.
Des expériences complémentaires ont ensuite permis aux chercheurs d'identifier les voies de signalisation cellulaire activées par la gentamicine et responsables de la surexpression de Harakiri : l'ototoxicité de l'antibiotique dépend de l'activation de la voie ERK1/2 et de l'inactivation de la JNK. La L-carnitine agirait en s'opposant à l'inactivation de la JNK.
La L-carnitine pouvant être administrée à l'homme, son effet sur la prévention des effets délétères associés à l'utilisation de la gentamicine pourrait être testée très prochainement.
Kalinec GM et coll. « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée.
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