C'est une première. Une décision sans précédent depuis que, en 1990, l'accès au secteur II a été extrêmement limité. Le tribunal des Affaires de Sécurité sociale (TASS) de Nancy vient en effet de se déclarer compétent sur le dossier de l'ouverture du secteur II en autorisant le 8 juillet deux ophtalmologues de secteur I à fixer librement leurs honoraires, ainsi qu'ils le demandaient. La caisse primaire d'assurance-maladie de Nancy a déjà prévenu qu'elle allait faire appel.
Alors qu'une partie des spécialistes en colère contre la non-revalorisation de leurs honoraires milite pour la réouverture du secteur II, que les plus « modérés » sont à la recherche d'espaces de liberté tarifaire, cette décision apporte de l'eau au moulin de la contestation. Elle est fondée sur une faille du règlement conventionnel minimal (RCM, qui régit actuellement l'activité des spécialistes libéraux conventionnés) : le tribunal estime qu'aucune disposition de ce texte « n'a prévu d'interdire le passage d'un secteur à l'autre » en cours d'exercice. Le Dr Jean Leid, président de l'Association pour l'ouverture du secteur II (APOS II) n'hésite pas : « C'est une bombe ! », une « décision historique » qui pourrait bien renforcer la détermination des quelque 500 praticiens qui ont déjà, selon lui, déposé des dossiers de transfert de secteur dans d'autres tribunaux.
Le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), Michel Chassang, tire lui aussi un enseignement de ce qui vient de se passer au TASS de Nancy : le « choix du secteur I n'est pas irrévocable » lorsque les médecins possèdent les titres nécessaires pour prétendre au secteur II - entre 5 % et 10 % des plus de 80 000 médecins libéraux du secteur I seraient concernés et pourraient être tentés de suivre une démarche comparable à celle des deux ophtalmologues lorrains.
Le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), choisit d'être réaliste : « Je serais ravi que cette décision puisse être confirmée », déclare-t-il tout en jugeant fort probable que la CPAM en obtienne l'annulation. A l'UMESPE, branche spécialiste de la CSMF, la prudence tempère aussi l'enthousiasme que soulève la décision du TASS de Nancy : le syndicat « regrette » que « l'évolution du système de santé passe par des décisions de justice qui feront forcément l'objet d'appel et d'une décision finale de jurisprudence dans de nombreux mois, voire plusieurs années ».
Du côté de la CNAM, on affiche sa sérénité en espérant que la caisse primaire de Nancy obtiendra gain de cause. « Pour nous, les choses sont simples et claires, précise-t-on à la CNAM. C'est l'article 15 du RCM qui s'applique : il stipule que c'est au moment de sa première installation en libéral que le médecin (qui a les titres nécessaires) choisit son secteur d'exercice. Notre lecture est que cette décision est irréversible pour la durée d'installation en libéral. »
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