La justice appelée à statuer sur le cannabis thérapeutique

Publié le 06/05/2001
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G W PHARMACEUTICALS, autorisé à expérimenter les effets thérapeutiques du cannabis, se réjouit de ses premiers tests sur environ 70 sujets. « Les patients en retirent clairement des bénéfices, ce qui nous encourage à augmenter le nombre des malades testés », déclare son président, le Dr Geoffrey Guy.

Basé à Salisbury, dans le sud-ouest de l'Angleterre, le groupe pharmaceutique avait obtenu, en avril 2000, le feu vert du gouvernement afin d'étudier les effets de la substance illicite sur des personnes atteintes de sclérose en plaques, de cancer ou d'arthrite. Selon le Dr Geoffrey Guy, les personnes à qui a été administré du cannabis par vaporisation sous la langue ont constaté une nette diminution de la douleur causée par leur affection, des spasmes musculaires et du dysfonctionnement de la vessie. Ils ont noté, aussi, une amélioration de leurs fonctions neurologiques. En conséquence, GW Pharmaceuticals va intensifier ses expérimentations en Grande-Bretagne auprès de plusieurs centaines d'autres patients, et prévoit, si le Parlement vote un texte en ce sens, de commercialiser des produits à base de chanvre indien en 2003. Il a reçu l'autorisation de commencer des essais similaires au Canada. Le laboratoire, qui se fournit en cannabis dans le sud de l'Angleterre, dans un endroit gardé secret, a investi, d'ores et déjà, 19,2 millions d'euros dans ce programme de recherches.

Une demande sans suite

En France, le tribunal administratif de Paris a examiné le 3 mai la question de l'utilisation possible du cannabis pour soulager la douleur. Il rendra son ordonnance après un délibéré. Cette intervention de la justice dans un champ de la santé publique encore en jachère fait suite à une démarche du Mouvement de légalisation contrôlée (MLC), présidé par Me Fancis Caballero. Le MLC avait demandé, en vain, en janvier 1998, au ministre de la Santé, Bernard Kouchner, au nom de dix personnes atteintes de maladies incurables, de pouvoir importer 10 kilos d'herbe de cannabis afin de les soulager de certaines souffrances. Devant le refus implicite du ministère, par absence de réponse, le mouvement a porté plainte à la fois à propos du refus d'importation et en raison du « classement du cannabis parmi les substances stupéfiantes dépourvues de toute utilité thérapeutique ».
Outre le MLC, MM. Cola, Robert, Maffait et Piketty, atteints de SIDA, d'épilepsie, d'acouphènes ou de glaucome, sont à l'origine de l'action judiciaire. Deux d'entre eux sont décédés.
Spécialiste des questions de drogue, Me Francis Caballero demande « au moins de pouvoir réaliser des expériences pour montrer que le cannabis soulage des malades », et rappelle qu' « il était considéré comme une plante médicinale jusqu'en 1954 » avant d'être « diabolisé injustement ». L'avocat reconnaît que la crainte générale est que « l'utilisation thérapeutique du produit soit vue comme un cheval de Troie d'une demande de légalisation ». Son propre combat vise en effet, par ailleurs, à une légalisation contrôlée du cannabis en lui donnant « un statut proche du tabac ou de l'alcool ». Or, s'insurge l'avocat, « avec ce refus d'importation, on nous empêche de faire les recherches élémentaires ». « Si fumer un pétard peut soulager de certaines douleurs liées au SIDA, empêcher ou réduire la fréquence des crises d'épilepsie, cela mérite qu'on y regarde de près », ajoute-t-il. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui pourrait autoriser une importation exceptionnelle, semble attendre le jugement du tribunal administratif de Paris.
Sur six juridictions saisies pour la même cause, cinq de province se sont déclarées incompétentes, ce que le conseil d'Etat a contesté, leur renvoyant leur dossier, rapporte Me Caballero.

Philippe ROY

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6912