«N UL n'est fondé à juger en droit de la légitimité des vies humaines », a plaidé, le 6 juillet, l'avocat général de la Cour de cassation. Elle siégeait en assemblée plénière afin d'examiner trois cas d'enfants handicapés, âgés de 9 à 11 ans, dont les familles demandent des indemnités aux médecins échographistes qui n'ont pas décelé chez l'un une paralysie des jambes, chez l'autre, un bras manquant, et chez le troisième, un membre supérieur atrophié. Ce qui n'a pas permis de procéder à un avortement thérapeutique.
« L'élimination du malade ne peut être sérieusement assimilée à une thérapie », a affirmé Jerry Sainte-Rose, qui, déjà, lors de l'affaire Nicolas Perruche, jugée le 17 novembre 2000, avait soutenu que le droit préfère la vie à la mort et mis en garde contre « une logique d'élimination des "anormaux" ». « Qui va déterminer quelles vies valent la peine d'être vécues ? », déclarait le représentant de la société, qui s'est opposé, par ailleurs, à ce que la Cour juge, le 30 juin, qu'un fœtus n'est pas une personne.
Sur ce terrain du droit et de l'éthique, Me Didier Le Prado, avocat d'un praticien, a relevé que les principes de la responsabilité civile ne permettent pas d'indemniser un dommage qui n'aurait pas été causé par une faute médicale, à savoir la non-détection du handicap. « Le préjudice suppose la perte de quelque chose », renchérit Me Yves Richard, conseil d'un autre médecin. Or « l'enfant n'a rien perdu, puisque le handicap ne pouvait être évité que par la mort. Il est inconcevable de dire que la mort serait un intérêt perdu. Elle n'est pas préférable, même si on n'a pas la vie qu'on aurait voulue ».
Par l'arrêt Perruche, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé qu'un enfant né handicapé peut réclamer des dommages-intérêts au praticien et au laboratoire d'analyses médicales qui n'ont pas détecté la rubéole de sa mère, à l'origine de sa malformation. La décision a soulevé un tollé chez les médecins, les juristes et les religieux. Des parents d'enfants handicapés, rassemblés au sein du Collectif contre l'handiphobie*, animé par le Dr Xavier Mirabel, cancérologue père d'un enfant trisomique, ont assigné l'Etat, en décembre 2000, invoquant une « faute lourde » de la justice. De son côté, le Comité consultatif national d'éthique a rendu un avis, le 15 juin (« le Quotidien » du 18), rejetant la reconnaissance d'un « droit de l'enfant à ne pas naître » handicapé.
En outre, le premier président de la Cour de cassation, Guy Canivet, qui a présidé l'audience du 6 juillet, avait retiré, en mars, les trois dossiers examinés ce jour-là de la 1re chambre civile, naturellement compétente en la matière. Cette chambre, font observer les avocats, aurait appliqué la jurisprudence de la formation supérieure, alors que la saisine de l'assemblée plénière permet à la Cour de revenir sur la jurisprudence de l'arrêt du 17 novembre 2000 ou de la modifier.
* Tél. 06.61.19.58.64.
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