Certes, le débat sur le prix de la médecine ne date pas d’hier. La santé et l’argent forment un couple infernal souvent en conflit. Depuis 1967, la France a dû subir une vingtaine de plans de sauvetage, de la dernière chance, de sa Sécu. Cette réalité nous mène loin de la médecine contemplative chère aux philosophes du temps de Saladin et Maimonide (cf. pp. 26 et 27). Foin de naïveté. Depuis que la médecine soigne, elle est un produit rare et donc cher. Les lois de l’économie s’appliquent. Les malades revendiquent en grand nombre et à juste titre d’en recevoir ses bienfaits. Les sociétés riches et démocratiques ont même fait du bien-être un avantage concurrentiel et une nouvelle source de profits en attirant des ressortissants fortunés de dictatures. Pour leur part, les habitants pauvres de la planète prennent tous les risques pour recevoir un peu de nos soins. Mais la rupture est à nos portes. Les États ont du mal à maintenir à flot leurs systèmes sociaux. Les vagues de citoyens vieillissants, souffrants, imposent plus de soins et de dépenses. Les nouvelles techniques et approches médicales deviennent hors du prix. Même les dirigeants de puissants pays s’en inquiètent, telle la candidate à la présidence des États-Unis Hillary Clinton. La chasse aux responsables est ouverte. Dans nos sociétés médiatiques, il faut trouver des boucs émissaires. L’industrie pharmaceutique et biotechnologique est l’accusée idéale. Mondialisée, financiarisée, peu soucieuse dans ses sphères dirigeantes de la misère des peuples, elle a le pouvoir ou croit l’avoir de faire plier les États. En général, elle fixe un prix exorbitant à ses productions innovantes pour pouvoir assurer des lancements à l’échelle du Monde et les profits de leurs actionnaires. À l’heure de l’anniversaire des soixante-dix ans de la Sécurité sociale, une réaction politique et citoyenne est indispensable. Il faut des régulateurs respectés et écoutés dans toutes les instances et agences de décision et de conseil scientifique. La pusillanimité des responsables entraîne la fragilité de ces instances (HAS, CEPS…) et le malaise des médecins. On ne peut pas faire peser sur les épaules de quelques médecins hospitaliers tout puissants des responsabilités de choix thérapeutiques qui les dépassent. Sur quels critères refuser ou accorder des soins ? Les autorités publiques doivent engager les débats économiques avec les experts et les citoyens. En médecine, il faut en finir avec la jungle.
La jungle
Publié le 30/10/2015
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Ces thèmes médicaux et économiques seront traités au cours des Rencontres de la Cancérologie Française (RCFr15). www.rcfr.eu
Pascal Maurel
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Source : Décision Santé: 303
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