Elle a des vomissements profus, elle est déshydratée, désinhibée, agressive, violente et profère des jurons. On découvre sur la partie gauche de son dos une brûlure de distribution D8.
Elle est irritable, non coopérante, demande sans cesse le droit de se doucher, mais elle ne présente aucun signe de psychose, de désorientation ou de symptômes fluctuants.
C'est à 14 ans que cette patiente à commencé à vomir : environ trois épisodes de cinq jours par an. A chaque fois, elle est agressive, violente, irritable, et prise d'un irrésistible désir de se doucher, dirigeant le jet sur la région D8. Elle est plusieurs fois hospitalisée dans différents hôpitaux où l'on évoque tantôt une personnalité histrionique, tantôt une anxiété, un trouble obsessionnel compulsif, et où l'on pense que ses vomissements sont psychogènes. A chaque fois, les explorations sont normales.
Lors du présent épisode, malgré les anxiolytiques, les tranquillisants majeurs, les antiémétiques et les antipsychotiques, ses troubles du comportement et son désir de se doucher persistent.
Une notion essentielle chez la mère
On se rend compte que la patiente est constipée et que l'alcool la fait vomir. Et l'on apprend que sa mère elle-même a des douleurs abdominales et vomit à chaque fois qu'elle boit de l'alcool. Cette notion familiale et l'intolérance à l'alcool font évoquer... une porphyrie. Bien vu : les examens biologiques concordent avec une porphyrie aiguë intermittente (notamment, porphyrines totales à 1 183 nmol/l ; N de 0 à 300). Mais avant que ces résultats soient connus, brutalement, huit jours après l'admission, les vomissements s'arrêtent et la patiente devient charmante et coopérante. Elle souhaite quitter l'hôpital. Mais avant la sortie de l'hôpital, et toujours avant les résultats biologiques, un nouvel épisode survient. Il dure quatre jours et est associé à une nouvelle élévation des porphyrines, qui fait suite à une normalisation. Quelques semaines plus tard, un nouvel épisode, qui confirme le diagnostic, est traité avec succès par haematine I.V. : disparition des troubles en moins de quarante-huit heures.
La nouvelle triade
Les porphyries correspondent à des troubles, héréditaires ou acquis, de la biosynthèse de l'hème. Dans la porphyrie aiguë intermittente (où le trouble porte sur la porphobilinogène déaminase), la classique triade (douleurs abdominales, constipation, vomissements) a été remplacée par une nouvelle : douleurs abdominales, neuropathie périphérique et troubles mentaux. Les troubles mentaux sont supposés être liés à une accumulation d'acide amino-lévulinique (neurotoxique qui joue un rôle de précurseur dans la synthèse de l'hème) et de radicaux libres. Les manifestations psychiatriques incluent délire, dépression, manie, hallucinations, irritabilité, désinhibition, mutisme, catatonie. Peuvent également survenir une personnalité histrionique, une labilité émotionnelle et un comportement démonstratif.
Les manifestations psychiatriques et neurologiques s'amendent souvent entre les crises. Des exacerbations pendant la grossesse ont été rapportées chez 95 % des patientes.
Chez cette patiente, pendant douze ans, la maladie n'a pas été diagnostiquée, « ce qui illustre la nécessité, devant des symptômes psychiatrique, de persister dans la recherche de causes organiques traitables, même chez les patients qui sont apparemment récalcitrants et très difficiles à prendre en charge », concluent les auteurs.
« Lancet » du 1er décembre 2001, p.1870.
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