L'ÉVALUATION des pratiques professionnelles (EPP) gagne du terrain chez les médecins. Selon le dernier recensement effectué par la Haute Autorité de santé (HAS), ils seraient près de 23 000 praticiens libéraux, hospitaliers et salariés (sur les 200 000 en exercice) à s'être engagés dans un cycle d'évaluation depuis 2003. Parmi eux, 2 634 se sont lancés dans une procédure d'accréditation, qui équivaut à une action d'évaluation. Le Pr Laurent Degos, président de la HAS, se réjouit de ces bons résultats. «L'EPP est maintenant considérée comme une démarche naturelle par tous les professionnels de santé. C'est un changement culturel important auquel nous assistons depuis une dizaine d'années. Ces résultats montrent que le dispositif est bien parti, c'est un vrai succès.» Le président de la HAS souligne que ce résultat est même sous-évalué, puisque toutes les institutions sollicitées n'ont pas donné de suite à l'enquête de la Haute Autorité. Dix-neuf URML (unions régionales de médecins libéraux) sur 23 y ont répondu, mais seulement 41 organismes agréés sur 108 ont remis leur rapport annuel, ainsi que 4 CHU sur 29 et 15 CHS sur 73. La HAS n'a pas eu de réponse pour les centres hospitaliers, les établissements PS-PH et les cliniques, dont 50 % ont effectué leur certification V2. Le président de la Haute Autorité souligne que ces résultats sont intéressants en l'absence de textes réglementaires ayant lancé l'obligation quinquennale de formation et d'évaluation (voir ci-dessous).
Si l'on regarde ces résultats à la loupe, on observe que les organismes agréés, créés depuis deux ans, assurent 10 126 EPP engagés par les médecins. Ces organismes ont presque rattrapé les unions qui en ont encadré 10 660. Les résultats déclarés par les CHU (1 077) et les CHS (570) sont moins significatifs.
Vingt collèges pour chapeauter l'EPP.
En dépit de l'évolution positive des effectifs formés, Laurent Degos veut encore simplifier le système. «Des médecins nous disent qu'ils veulent s'engager, mais qu'il est compliqué, précise le Pr Degos. Il nous faut un dispositif plus clair, basé sur la pratique quotidienne et permanente.» Pour accélérer le déploiement de l'évaluation, la HAS a décidé de mettre en place des collèges de pratiques professionnelles pour chaque spécialité. La décision a été prise en novembre après plusieurs réunions du « groupe contact », qui rassemble l'Ordre des médecins, les CNFMC, les unions régionales des médecins libéraux, les commissions médicales d'établissement (CME), les organismes agréés, les médecins habilités et les doyens. «Vingt spécialités se sont organisées et ont mis en place leur collège de pratiques s'adressant aux médecins exerçant en libéral et en privé», précise le Pr Degos. Parmi celles-ci, la cardiologie, la rhumatologie, la gastro-entérologie… mais pas la médecine générale. «La démarche est enclenchée, mais, pour la médecine générale, rien n'est simple, poursuit le président de la HAS. Nous travaillons avec les quatre principales sociétés savantes de la spécialité –SFTG, SFMG, SFDRMG, CNGE– pour aboutir àun consensus et à une véritable structuration.»
Alors que la ministre de la Santé envisage de repousser le lancement officiel de la période quinquennale de formation, le Pr Degos indique qu'il souhaite que «le dispositif démarre vite pour que les efforts des médecins soient pris en compte».
Le déploiement de l'EPP continue également de se heurter à l'absence de financement, essentiellement chez les médecins libéraux. «La HAS ne tient pas les cordons de la bourse et attend depuis la LFSS (loi de financement de la Sécurité sociale) 2007 l'installation du Fonds d'actions conventionnelles (FAC) , explique François Romaneix, directeur de la Haute Autorité. Le décret permettant sa mise en place est paru, mais l'installation du FAC est maintenant bloquée par l'absence d'accord entre les parties conventionnelles.» Selon François Romaneix, le FAC pourrait permettre à chaque médecin libéral de disposer d'une aide personnalisée de 300 à 500 euros pour réaliser sa formation ou son évaluation. «Cela doit encore faire l'objet de discussions conventionnelles», précise le directeur de la HAS. Toutes les instances responsables de l'évaluation ne font pas preuve du même optimisme que la Haute Autorité. La Conférence nationale des présidents (CNP) d'URML, qui vient de se réunir en assemblée générale, s'inquiète de l'avenir du dispositif d'évaluation. «Il est intolérable de laisser plus longtemps dans le flou et l'incertitude les médecins libéraux, les URML, les organismes agréés qui se sont fortement engagés dans la démarche d'EPP», souligne la CNP. L'instance, présidée par le Dr Philippe Boutin, demande à la ministre de la Santé de publier dès maintenant le décret qui lancera la première période d'obligation quinquennale. La CNP demande, par ailleurs, que la question du financement soit posée et que des engagements soient pris «pour éviter une EPP bradée et sous tutelle». «L'enveloppe du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) promis pour financer l'EPP, pour un montant de 11millions d'euros, n'a jamais été débloquée et n'a jamais été versée aux URML», déplore la CNP.
L'inquiétude des médecins salariés
L'Association intersyndicale des médecins salariés pour la formation médicale continue (AIMSFMC) s'inquiète des reports périodiques de la mise en place de la FMC et de l'EPP obligatoires. «Les médecins salariés ont, par définition, des employeurs dont dépendent leurs disponibilités et la rémunération de leurs absences et de leur FMC, indique le Dr Pierre Girault, président de l'association. Cette confusion aboutit à ce que trop d'employeurs ne remplissent pas leurs obligations légales de donner aux médecins les moyens pour remplir leurs propres obligations de FMC.» L'AIMSFMC regrette que ces moyens ne soient pas mieux définis et notamment le financement et les autorisations d'absence rémunérées. L'association réclame l'adoption de «textes définitifs et clairs». Faute de lancement de l'obligation quinquennale, les médecins risquent «de se démotiver pour leur FMC et leur EPP», estime l'AIMSFMC.
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