CHARGÉE IL Y A un an par le ministère de la Santé d'élaborer une recommandation en matière de coopération entre professionnels de santé, la Haute Autorité de santé (HAS) publie un rapport d'étape aux allures de « discours de la méthode ». Un document de pure forme qui a le grand mérite de poser des bases claires pour tout ce qui concerne les transferts de tâches ou compétences et autres délégations d'un métier à un autre (1). Autant de thèmes prisés par les tenants de la crise annoncée de la démographie médicale : confier à d'autres des tâches jusque-là réservées aux seuls médecins permet, évidemment, de dégager du temps médical.
Or, dans ce domaine, souligne la HAS, on ne peut pas employer un mot pour un autre. «La délégation, insiste la Haute Autorité, désigne l'action par laquelle le médecin confie à un autre professionnel de santé la réalisation d'un acte de soin ou d'une tâche. La délégation comprend l'idée de supervision. La responsabilité du déléguant (le médecin) reste engagée.» Le transfert va plus loin puisqu'il «déplace l'acte de soin d'un corps professionnel à un autre, explique la HAS. Les activités sont confiées dans leur totalité, y compris en termes de responsabilité, à une autre profession. Les professionnels non médicaux sont donc autonomes dans la décision et la réalisation». Au chapitre des définitions toujours, la HAS invite à ne pas oublier que si délégations ou transferts se font souvent en direction de professions paramédicales existantes, ils peuvent aussi nécessiter «la création de nouveaux métiers». Enfin, elle insiste sur la notion de « compétence » : on ne peut, dit-elle, déléguer ou transférer un acte de soin que si le professionnel à qui l'on s'adresse possède «les compétences nécessaires, c'est-à-dire la maîtrise d'une combinaison de savoirs (connaissances, savoir-faire, comportement et expérience) ».
Pour formuler sa recommandation, la HAS indique qu'elle va travailler en coopération avec l'Observatoire national de la démographie des professionnels de santé (Ondps) et s'appuyer, via un « conseil scientifique », sur des avis pluridisciplinaires – la santé publique, l'économie de la santé, la gestion seront représentées, tout comme, en termes de professions, les infirmiers, les médecins généralistes et spécialistes, les manipulateurs en radiologie, les sages-femmes et les kinésithérapeutes. Les expérimentations en cours (1), qui vont nourrir la future recommandation, vont être évaluées selon différents angles d'approche : en interne, les professionnels impliqués vont s'autoévaluer ; une enquête qualitative sera confiée à des prestataires indépendants ; les patients vont être invités via un questionnaire à donner leur avis en comparant leur expérience «de l'acte effectué par le professionnel de santé avec une situation fictive qui serait la réalisation de cet acte par un médecin». En interrogeant les patients, il va s'agir, précise la HAS, de mesurer «l'acceptabilité de ces nouvelles formes de coopération», et donc leur «faisabilité».
Soucieuse de ne laisser aucun aspect de la question au bord du chemin, la HAS va par ailleurs confier à des groupes de travail des réflexions sur trois questions que posent les transferts (ou délégations) de tâches (ou de compétences). Premier points : les aspects réglementaires et juridiques, qui comprennent le mode de collaboration – salariat ou autres – entre les professionnels impliqués. Vient ensuite la question de la formation des professionnels (y compris la validation des acquis de l'expérience), suivie des thèmes économiques et financiers (quelles ressources mobilisées et pour quel coût ?).
A destination des frileux, la HAS insiste sur les bénéfices partagés des « nouvelles coopérations » entre professionnels de santé. «Il s'agit: pour les médecins, d'optimiser leur activité en la recentrant sur leur coeur de métier, à savoir les activités complexes nécessitant des compétences multiples; pour les professions non médicales, de se voir reconnaître des compétences issues de l'expérience et de formations complémentaires, d'ouvrir enfin des perspectives de carrière en dehors des domaines de spécialité existant actuellement.»
(1) Depuis un an, dix projets sont en cours d'expérimentation officielle. Sont, entre autres, testés : la pratique de l'échocardiographie par un acteur paramédical ; les métiers d'infirmière en explorations fonctionnelles digestives, d'infirmière référente en neuro-oncologie, d'assistant médical en pathologie prostatique ; l'entretien prédon des donneurs de sang homologué par un professionnel infirmier.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature