C'est l'un des plus anciens instruments de musique du monde. La harpe figure dans les illustrations des civilisations babyloniennes 3 500 ans avant JC, est omniprésente chez nos troubadours, les bardes celtes et dans le monde oriental. Elle connut son apogée à l’époque romantique, triangle d’or aux perfectionnements techniques incessants, devenue indispensable dans les orchestres symphoniques et dans les salons, où elle pouvait rivaliser avec le piano.
Aujourd’hui, chacun cite son harpiste de référence. Les royalistes Marie Antoinette, les cinéphiles Harpo, le Marx Brothers muet, les nostalgiques de la Comédie-Française du temps de son orchestre permanent Lily Laskine, qui en était la soliste attitrée. Les mélomanes cultivés connaissent Henriette Renié (1875-1956), immense pédagogue et référence absolue de l’école de harpe française au XXe siècle. Les festivaliers de Verbier se souviennent que le célèbre baryton basse Bryn Terfel y était en 2016 accompagné d’Hannah Stone, harpiste attachée à la Maison du Prince de Galles, pour un récital de ballades galloises.
Cependant, à contre-courant de bien des professions, celle de harpiste se masculinise. Dans les concerts symphoniques, le poste de harpiste solo est de plus en plus souvent confié à des hommes, au prix de concours extrêmement sélectifs. La France compte deux vedettes dans ce domaine, Xavier de Maistre, et Emmanuel Ceysson, de dix ans son cadet, titulaires du poste de premier harpiste solo dans deux des plus prestigieux orchestres du monde, respectivement les Wiener Philharmoniker et le Metropolitan Opera de New York.
Emmanuel Ceysson, 35 ans, a gravi les échelons qui lui ont permis de descendre dans cette illustre fosse. Conservatoire national, prestigieux concours internationaux, neuf ans passés dans l’Orchestre de l’Opéra de Paris, qu’il a quitté en 2015 pour faire le grand saut transatlantique. S’il admet que cette vie de musicien de fosse a ses contraintes, la compensation de faire partie d’un tout est très gratifiante et il profite de la liberté relative du temps de relâche du théâtre et de celle négociée pour sa vie hors fosse, pour enseigner à la Mannes School de New York et mener une carrière de soliste.
Grâce à cette génération de jeunes harpistes, un répertoire quelque peu oublié revit au disque et au concert. Et tout un monde de transcriptions et d’adaptations est disponible pour un public de plus en plus ouvert et friand de découvertes.
L'instrument de Salzedo
Ainsi Emmanuel Ceysson, personnalité passionnée et hyperactive, a-t-il conçu son dernier disque (publié par le label indépendant Aparté, qui donne sa chance à des interprètes non cooptés par les majors de l’édition phonographique) autour d’un concept littéraire et romantique. « Ballad in Red » se réfère à la superbe harpe rouge et argent, parfaitement triangulaire et d’esthétique Art Déco, dessinée en 1928 par Carlos Salzedo le premier Français à s’être imposé, grâce à Toscanini comme harpiste à New York et y avoir laissé une empreinte mémorable. Le triangle rouge détrônait le triangle d’or !
Emmanuel Ceysson a acquis cet instrument, plus puissant dans les graves, plus cristallin dans les aigus qui est aujourd’hui sa touche personnelle. C’est avec lui qu’il vient d’enregistrer un florilège envoûtant et peu conventionnel. Les compositeurs sont Hindemith, Renié, Caplet, Debussy, Leone et Salzedo et les écrivains qui les ont inspirés Edgar Poe et Ludwig Hölty. Un fantastique gothique et inquiétant qui palpite sous les doigts d’Emmanuel Ceysson, accompagné par le Quatuor Vocce.
(1) En récital avec Philippe Bernold (flûte) les 14 (Vaux-sur-Mer), 17 (Lys-lez-Lannoy) et 22 juin (Pourrières) ; au Festival de Cambrai avec le Quatuor 212 le 10 juillet ; à l’Académie de Nice du 16 au 23 juillet ; au Festival Quatuors à Vendôme le 28 juillet ; à l’Abbaye de Fontfroide le 5 août.
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