A LAIN FRANÇON est attiré par les œuvres désespérées, désespérantes, dévastatrices. Il pense sincèrement que notre monde est violence, cruauté, injustice. Il suit en cela l'un de ses maîtres, Edward Bond. Et sa fidélité à l'écrivain britannique n'appelle que le respect, même si l'on peut penser que « Dans la compagnie des hommes » était une pièce puissante tandis que « Un crime au XXIe siècle » l'était moins. Dans son théâtre, on monte Sarah Kane et l'on découvrira bientôt un texte de Jon Fosse mis en scène par Thomas Ostermeier, le co-patron d'une des plus grandes institutions berlinoises, la Schaubühne.
Il monte aujourd'hui une pièce écrite en 1998, à vingt-trois ans, par Marius von Mayenburg, justement auteur et traducteur auprès d'Ostermeier. Doit-on le dire : pour violente qu'elle soit, cette pièce n'est pas intéressante parce qu'elle n'est pas écrite. Il ne suffit pas d'accumuler les actes de transgression pour faire œuvre dramatique. Sarcastique et exagérateur, von Mayenburg s'installe au cœur d'une cellule familiale. Un père effacé qui se passionne pour une série d'assassinats de prostituées qui défrayent la chronique urbaine, une mère sans pudeur qui se savonne le sexe devant son fils, une fille aînée nerveuse et tentatrice qui entraîne son frère dans l'inceste. Mais qu'est-ce qu'un inceste qui n'est pas révélé ? Ce jeune frère autodestructeur qui se brûle le visage et incendie tout ce qu'il trouve, finira pas assassiner les parents dans le lit conjugal. On le voit, l'auteur est dans l'accumulation mais on est loin d'une œuvre littérairement accomplie.
Bien sûr, il est toujours intéressant de prendre le pouls d'une génération qui monte, celle, pour l'Allemagne, qui sortait de l'enfance au moment de la chute du mur. Von Mayenburg a écrit « Visage de feu » pour son diplôme de l'Ecole des Beaux-Arts. C'est un exercice. Cinq personnes en tout signent le texte français et l'adaptation pour la scène comme s'il s'agissait de traduire des poèmes de John Donne, hermétiques et codés...
Le travail de Françon est d'une grande vigueur. Les rythmes sont rapides, la scénographie idéale pour ce mode frénétique où le silence a sa part. André Marcon, le père, est justement admirable dans le silence. Evelyne Didi, comme toujours, vraie, fine. Stanislas Stanic donne à Paul, l'ami, l'étranger, une présence forte. Le couple frère-sœur est irréprochable. Stéphanie Béghain évidente dans un personnage essentiel. Olga est le nœud destructeur de la famille. Le petit frère ne fait qu'endosser les pulsions suicidaires de la sœur aînée et hériter la sourde névrose familiale. Rodolphe Congé est très bien. Mais « Visage de feu » manque de puissance dramatique. D'encre.
Théâtre National de la Colline, petite salle, à 19 heures le mardi, à 21 heures du mercredi au samedi, à 15 heures le dimanche. Durée : 1 h 50 sans entracte (01.44.62.52.52). Jusqu'au 24 juin.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature