À OBSERVER les efforts du Parti socialiste pour retrouver son unité et son dynamisme, on se rend compte qu'il souffre d'une incrédulité populaire qui touche l'ensemble des institutions plus que de l'inquiétude nourrie par ses divisions. Les Français, fort éclectiques, ont essayé la droite et la gauche de façon répétitive sans en tirer la conviction que l'une était meilleure que l'autre. Il ne leur reste qu'à serrer les mâchoires dans un fatalisme populiste.
Ce n'est pas que ni la droite au pouvoir ni la gauche tenace se situent au-dessous des enjeux : elles se battent l'une et l'autre. Le gouvernement a adopté le RSA, qui est une réforme valable ; la rentrée scolaire s'est déroulée sans encombres en dépit de prévisions cataclysmiques ; les retraites et allocations aux handicapés ont été (légèrement) augmentées (sans pouvoir cependant rattraper l'inflation). En outre, la célèbre cacophonie gouvernementale, qui est repartie de plus belle, se transforme en une sorte de tradition sarkozyste. On ne s'étonne plus de ce que la ministre de l'Économie anonce une réforme de l'ISF que le Premier ministre dément dans la minute suivante ; que le président continue à recevoir son fameux groupe G7 de ministres et de bafouer ainsi les règles qui gouvernent la Ve République ; que François Fillon signale derechef son mécontentement et rappelle publiquement ses prérogatives, un peu comme s'il y avait deux gouvernements rarement d'accord. Si on ne s'en étonne plus, c'est qu'on a fini par l'admettre, ce qui n'est pas le moins grave, mais montre bien que le pouvoir a eu raison de notre candeur et que nous en venons à partager son cynisme.
Diagnostic et traitement.
Plusieurs éléments retiennent l'opinion au bord de la colère : d'abord, ce gouvernement travaille, il poursuit des réformes difficiles qui certes n'ont pas l'heur de plaire mais engagent la France dans un nouveau cycle ; on ne peut, par exemple, et malgré les sévères critiques de Jack Lang, qui est sincère, accuser Xavier Darcos de détruire l'éducation. On voit avec quelle ferveur, quelle détermination, quel volontarisme il s'efforce de changer un système qui a, ces dernières années ou décennies, produit ingorance et pauvreté. Si on partage le diagnostic établi par le gouvernement, comment peut-on rejeter en bloc le traitement qu'il met en vigueur ? Nous, les administrés, ne pouvons pas être des spécialistes de l'économie, de l'éducation, de la santé ou de la guerre : il faut bien que nous nous en remettions, pour chaque crise, au ministre chargé de la résoudre.
Le pouvoir de M. Sarkozy a pour lui son dynamisme, son énergie cinétique, son puissant mouvement. Il a contre lui les bizarreries de son caractère. Ayant poussé les réformes comme personne avant lui, il semble incapable de se réformer lui-même. Comment peut-il justifier le limogeage du spécialiste du maintien de l'ordre en Corse, coupable d'avoir laissé des manifestants pénétrer dans les jardins de Christian Clavier ? Comment n'a-t-il pas prévu la répugnance que soulèverait ce fait du prince, l'expression est de François Bayrou ? Comment le chef de l'État peut-il croire qu'il est humilié parce que ses services n'ont pas su préserver la maison de son ami ? Quelle sorte de République avons-nous là ?
LES FRANCAIS ONT COMPRIS QUE LE PRESIDENT NE PEUT PAS LIVRER LE BONHEUR FRANCO DE PORT
Monarchie ? Presque. Mais les gens pensent à autre chose. Ils ne sont pas sûrs de devoir abattre le Dr Jekyll parce que Mister Hyde fait tous les jours des siennes. Ils comprennent seulement que si M. Sarkozy a gardé une conception absolutiste de ses pouvoirs, il est, dans le même temps, incapable de faire des miracles.
La crise vient d'ailleurs.
Le fait nouveau de cette rentrée, c'est en effet que les Français devinent que la crise économique et sociale est induite par des mécanismes mondiaux et que M. Fillon n'a pas d'influence sur la disparition de plusieurs milliers de milliards de dollars qui appauvrit le monde et l'a déséquilibré en faveur des producteurs d'énergie ; que l'inflation est importée et que les tentatives du pouvoir pour faire baisser les prix sont vouées à l'échec ; que, par exemple, si General Motors ferme son usine à Strasbourg, c'est parce que cette société a perdu 15 milliards de dollars au premier semestre de cette année ; et que, dans un tel cyclone, le combat syndical est dérisoire.
Fatalisme ? Pas en ce qui concerne le gouvernement. Mais les syndicats vont avoir du mal à mobiliser leurs troupes ce mois-ci et le mois prochain. Même si, comme le dit fort bien Bernard Thibault (CGT), «la souffrance des Français est réelle.» Dans l'opposition, que nous offre-t-on ? Un des événements de l'université d'été des socialistes, c'est le come-back de Martine Aubry, la dame des 35 heures. Nous ne préjugeons nullement de sa capacité à redevenir un grand leader politique. Mais, franchement, comment pourrions-nous croire aux recettes qu'elle propose quand on se souvient qu'elle les a déjà appliquées avec le succès que l'on sait ? Alors, qui ? Ségolène Royal, dont le charme opère moins, Bertrand Delanoë, dont les contributions historiques sont Paris Plage et le Vélib ? Le PS a compris la nécessité absolue du changement, mais il y répond soit par le dogmatisme, comme Martine Aubry, soit par des idées fortes que n'incarnent pas forcément ceux qui sont les mieux placés dans la course au leadership.
Le fait est que la popularité de Nicolas Sarkozy remonte : cela signifie à la fois que ce qu'il fait est perçu comme utile, mais que, dans sa sagesse, le peuple sait que, contrairement à ce que croit le président, il ne peut pas tout faire et livrer à la France le bonheur franco de port.
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