L'ancien chef australien des inspecteurs de l'ONU, Richard Butler, considère comme « imbécile » la question sur les armes de destruction massive de l'Irak. Ils en ont, il n'y a aucun doute sur ce point, affirme-t-il, mais une guerre qui ne serait pas autorisée par l'ONU serait illégale.
M. Butler semble oublier que les inspecteurs, actuellement dirigés par Hans Blix, n'ont pratiquement rien trouvé. De sorte que les Américains qui partagent la conviction de M. Butler estiment que la meilleure preuve des mensonges de Saddam Hussein, c'est l'échec des inspecteurs. Et ils expliquent que, pour que Saddam dise la vérité, il faut que son régime, despotique et secret, change. S'il change, la guerre n'est plus nécessaire. Les diplomates américains citent des précédents : celui de l'Afrique du Sud, qui a mis au point la bombe atomique, l'a testée, a invité l'Agence internationale de l'énergie atomique à visiter ses sites et a démantelé ensuite, du temps du pouvoir blanc, ses installations nucléaires ; ou celui du Kazakhstan et de l'Ukraine, qui ont hérité des ogives laissées par l'Union soviétique et ont demandé aux techniciens américains de les en débarrasser.
Inutile de dire que le président irakien n'est pas tout à fait dans ces dispositions-là. Il a des armes, il les cache et il ne les montrera pas aux inspecteurs. Dans ces conditions, si des gens comme M. Butler et des gouvernements ont la certitude que l'inspection restera sans effet, il suffirait de réunir le Conseil de sécurité pour lui demander de déclarer une guerre « légale ».
Mais la question n'est pas là. Elle ne porte pas sur la procédure et le droit international, elle a trait à la volonté des Américains de lancer une invasion de l'Irak alors que la plupart des autres Etats s'y refusent. Autrement dit, le monde souhaite vivre avec le danger que représente l'Irak, pas les Etats-Unis. Dans ces conditions, on comprend l'impatience américaine devant les atermoiements de la bureaucratie onusienne et on comprend surtout que ceux qui ne veulent pas de la guerre, notamment l'Europe et le monde arabe, fassent de l'inspection et des palabres internationales l'axe de leur politique. La légalité n'est invoquée que pour empêcher le conflit, pas par scrupule juridique. Et si on ne le dit pas clairement, on baigne dans une parfaite hypocrisie.
M. Bush est plus sincère, qui claironne qu'il veut simplement en finir avec Saddam Hussein ; et il vaudrait mieux que la France et l'Allemagne disent qu'elles préfèrent les inconvénients d'une indiscutable menace irakienne à ceux d'un conflit militaire coûteux dont l'issue n'est pas absolument certaine ; ou, si elles le souhaitent, que les retombées de la guerre sur le peuple irakien seront inhumaines ; ou encore qu'elles n'ont pas envie de se brûler au contact de la fournaise.
La légalité invoquée par M. Butler constitue un paravent, surtout pour un homme qui se déclare convaincu de la présence d'armes chimiques et biologiques en Irak. Le droit international exercé par l'ONU n'a jamais résulté que de l'influence des Etats-Unis sur leurs alliés et du concours logistique et militaire américain sans lequel les Nations unies n'auraient pas pu agir, par exemple au Kosovo. L'ONU est tout de même cet organisme qui a laissé se dérouler le génocide du Rwanda et le massacre de Srebrenica ; c'est un système qui accepte les pires atteintes au droit international si les Etats-Unis ne lui donnent pas les moyens d'exercer ce droit.
Par conséquent, on ne peut pas dire que la légalité soit le moteur, l'objectif ou la condition sine qua non d'une guerre contre l'Irak. On peut seulement se demander si cette guerre est nécessaire.
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