Ce n'est pas de gaieté de cur que les Etats-Unis et leurs alliés se sont engagés dans l'offensive contre l'Afghanistan. Dans son discours, George W. Bush a été explicite : il doit protéger son pays contre le terrorisme. Si les taliban lui avaient livré Ossama ben Laden et consenti à dissoudre ses réseaux terroristes, il ne les aurait pas attaqués.
D'aucuns auront eu un frisson de peur en voyant et en écoutant Ben Laden à la télévision. Il avait enregistré ses propos avant les frappes américaines. On n'a pas de meilleure preuve de sa détermination à attaquer les Etats-Unis et l'Europe. Ne pas le combattre, c'est signer la défaite. Nous sommes tous engagés dans une partie mortelle qui est pire qu'une guerre. Car les terroristes s'en prennent aux civils et se cachent parmi des civils qu'ils mettent en danger par leur présence. Le fanatisme des foules favorables à l'intégrisme est nourri en permanence par la désinformation, comme celle qui a attribué au Mossad israélien les attentats contre les Etats-Unis. Nous ne pouvons pas nous laisser impressionner.
Ce qui ne veut pas dire que les risques ne sont pas immenses : risque d'enlisement dans un relief torturé ; risque d'échec pur et simple, si Ben Laden reste introuvable, si la riposte terroriste précède la victoire des Américains ; risque de dresser l'une contre l'autre deux parties du monde qui ont beaucoup de mal à communiquer.
Cependant, M. Bush a préparé le terrain diplomatique aussi bien qu'il le pouvait : en s'assurant du soutien total des Européens ; en ménageant le monde arabo-musulman, mais sans pour autant céder à ses réticences ; et surtout en faisant la démonstration qu'il veut uniquement détruire les réseaux terroristes.
Si les Iraniens ont refusé la main qu'il leur tendait ; si les Saoudiens boudent, bien que l'exercice de funambule qu'ils ne cessent d'accomplir depuis vingt ans entre terrorisme et ultra-conservatisme religieux ne leur réussisse guère ; si le Pakistan, apprenti sorcier qui a inventé les taliban, ne sait plus comment se dépêtrer de cette affaire ; si le fanatisme indonésien ou malaisien s'exprime dans les rues, les Etats-Unis ne pouvaient pas renoncer, pour ces raisons, à une action militaire.
La sagesse dont M. Bush a fait preuve jusqu'à présent est de bon augure pour l'avenir immédiat. A plusieurs reprises, il a eu l'occasion de dire que le « nation building », c'est-à-dire le projet d'instaurer une démocratie en Afghanistan, ne constitue pas une vocation américaine. Certes, ce qui semble souhaitable, c'est que l'Alliance qui contrôle le nord du pays entre à Kaboul et s'empare du pouvoir.
Quitter l'Afghanistan
Mais rien ne nous garantit que les alliés d'aujourd'hui ne se querelleront pas demain. La mission des Américains (des Britanniques et de ceux qui seront appelés à participer à la bataille) est d'abord de tuer aussi peu de civils que possible ; de porter aux réseaux terroristes et aux camps de Ben Laden un coup sévère, dont les effets seront durables ; d'apporter l'aide humanitaire promise, même si la combinaison de l'action militaire et de l'action humanitaire est rarement heureuse. Et de quitter l'Afghanistan le plus vite possible.
Compte tenu du fanatisme intégriste, des bombardements prolongés ou une campagne terrestre qui ressemblerait à une invasion et à une occupation finiraient par déstabiliser un certain nombre de pays du Moyen-Orient ou d'Asie centrale. Il importe donc que M. Bush se fixe un délai raisonnable, même s'il a déjà dit qu'il faudra du temps pour atteindre les camps d'entraînement des terroristes.
De toute façon, ce n'est qu'un début. La traque des terroristes doit être planétaire ; les mesures de prévention aux Etats-Unis et en Europe seront multipliées et monteront en puissance jour après jour ; l'assèchement financier des réseaux prendra des mois, mais il constitue l'arme la plus efficace. Les ennemis les plus hargneux de l'Amérique ne peuvent pas faire de la propagande contre la mise en uvre de dispositions d'autodéfense. Elles compteront plus, dans les semaines qui viennent, que les résultats obtenus en Afghanistan.
Le débat sur les libertés d'une société ouverte, mais contrainte de se protéger contre une guerre faite aux civils, n'a aucun sens. La première des libertés, c'est de vivre. Nous devons tous accepter d'être fouillés, interrogés, scrutés, passés au peigne fin si nous voulons non seulement protéger nos existences mais continuer à bénéficier de nos libertés essentielles. Ce n'est certes pas, pour nous, la période la plus faste. Mais, contrairement aux accusations extrémistes qui sont portées contre nos sociétés, nous n'avons pas voulu de ce conflit ignoble qui nous contraint tous à nous conduire en soldats. Il nous est imposé. Nous sommes les agressés et devons donc réagir avec le courage dont nous avons été capables dans des circonstances au moins aussi tragiques, sinon plus.
Le soutien de Guigou et de Kouchner
Les ministres des Affaires sociales et de la Santé ne sont pas restés muets sur l'offensive américano-britannique contre les taliban. Elisabeth Guigou a déclaré : « Nous sommes entièrement solidaires des Etats-Unis d'Amérique qui sont en état de légitime de défense, comme la communauté internationale l'a reconnu. » Elle a ajouté qu'il ne fallait pas « donner une victoire aux terroristes » par un « fléchissement du moral ».
De son côté, Bernard Kouchner considère que les représailles américaines ont été lancées contre un régime fasciste. La France, a-t-il dit, est solidaire « et sera peut-être, je l'espère, active ».
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