DANS LA POPULATION générale, la prévalence et l’incidence de la lithiase ne cessent d’augmenter, principalement en raison de l’évolution de l’alimentation, trop riche en protéines, en sucres, en sel, en oxalates, et souvent insuffisamment riche en calcium.
La prévalence de la lithiase est ainsi de 14 % aux Etats-Unis, de 10 % en France et de 20 % en Arabie saoudite. Toujours dans la population générale, les coliques néphrétiques (consécutives huit fois sur dix à un calcul) représentent de 1 à 2 % des motifs de consultation aux urgences ; dans 6 % des cas, il s’agit d’une forme compliquée (fébrile, anurique ou hyperalgique) qui implique le passage au bloc opératoire.
«Chez la femme enceinte, la colique néphrétique est également très fréquente et constitue, en dehors des causes obstétricales, le syndrome abdominal aigu le plus fréquent au cours de la grossesse, rappelle le Dr Olivier Traxer. L’incidence de la colique néphrétique dans ce contexte est estimée à 0,4%, soit très proche de celle rapportée chez les patients lithiasiques (de 0,4 à 0,8 %). »
Une localisation préférentielle à droite.
La lithiase chez la femme enceinte présente quelques particularités cliniques, et surtout thérapeutiques, et s’accompagne d’un risque accru de prématurité (40 % des cas). Cliniquement, contrairement à la population générale où la localisation est aussi bien à gauche (51 %) qu’à droite (49 %), on note une grande prédominance des atteintes du côté droit chez la femme enceinte, du fait de la dextroposition de l’utérus. Cette localisation préférentielle à droite a une implication thérapeutique logique : se coucher sur le côté gauche.
La lithiase semble plus fréquente chez les femmes d’origine caucasienne que chez celles d’origine afro-américaine et chez les multipares (risque multiplié par 3).
Des facteurs favorisants.
L’hydronéphrose, source d’agrégation des cristaux, est le premier facteur favorisant la survenue d’une lithiase au cours de la grossesse. La dilatation de la voie excrétrice est en effet physiologique lors de cette période de la vie, d’apparition précoce, dès le premier trimestre, et expliquée à la fois par la dextroposition utérine et l’imprégnation de progestérone. Elle disparaît environ deux mois après l’accouchement.
Deuxième facteur favorisant : l’accroissement du flux plasmatique rénal lié à l’hypervolémie, qui alimente l’hydronéphrose. L’augmentation de la diurèse pourrait être considérée comme un facteur protecteur, mais elle a pour conséquence une augmentation de la filtration d’acide urique (qui favorise la cristallisation du calcium et de l’oxalate), de sel et de calcium.
L’hypercalciurie est marquée au cours des deuxième et troisième trimestres de la grossesse, du fait de la mobilisation du calcium osseux maternel et de l’augmentation de l’absorption intestinale de calcium nécessaire à la minéralisation osseuse du squelette du foetus. La grossesse entraîne également une hyperparathyroïdie et une augmentation du 1-25 dihydrocalciférol physiologique.
Comme dans la population générale, la diététique joue un rôle majeur, l’excès de sel et de protéines notamment induisant une hypercalciurie ; à l’inverse, certains facteurs sont reconnus comme inhibiteurs de la cristallisation : l’augmentation du citrate (qui inhibe la formation de cristaux oxalo-calciques), du magnésium (à l’effet similaire, mais à un moindre degré) et de la diurèse (par effet dilution).
La nature chimique des calculs est identique à celle rapportée chez les femmes non gravides ; de même, la symptomatologie ne présente pas de caractères spécifiques. Il s’agit dans 90 % des cas de douleurs du flanc droit, le plus souvent associées à une hématurie.
L’échographie est peu contributive.
Toutefois, dans 30 % des cas, le diagnostic est rendu difficile par le caractère atypique des douleurs. «Nous sommes alors relativement démunis en termes d’explorations complémentaires, expose le Dr Traxer. En dehors de la grossesse, selon les recommandations actuelles, le bilan se fonde sur la réalisation d’une échographie rénovésicale –qui montre la dilatation des cavités rénales, et d’une radiographie d’abdomen sans préparation– qui recherche la cause la plus fréquente de colique néphrétique: le calcul. Chez la femme enceinte, seule l’échographie peut être réalisée; or cet examen est peu contributif puisque la dilatation des cavités rénales est, dans ce contexte, physiologique. L’évolution actuelle est à la pratique d’une IRM, qui permet de bien étudier les reins, parfois de visualiser un calcul, en sachant que l’interprétation est alors délicate.»
En pratique, chez la femme enceinte, il n’est pas utile de «se battre pour avoir le diagnostic étiologique», insiste le Dr Traxer. Il importe avant tout de calmer la colique néphrétique ; les anti-inflammatoires, traitement de référence, sont formellement contre-indiqués au cours de la grossesse et il est donc fait appel aux traitements de deuxième ligne, paracétamol et morphiniques, associés à un antispasmodique, tout en privilégiant le décubitus latéral gauche. «En pratique, la colique néphrétique chez la femme enceinte est le plus souvent gérée par nos confrères gynécologues, l’urologue étant sollicité pour les formes compliquées: hyperthermique –il s’agit alors d’une pyélonéphrite obstructive faisant poser l’indication d’une sonde et d’une antibiothérapie– ou hyperalgique. L’urgence est alors de drainer le rein par la mise en place d’une sonde, dont la montée est souvent difficile dans un uretère très élargi et sinueux.»
L’indication de la mise en place d’une sonde relève d’une décision pluridisciplinaire, impliquant le gynécologue, l’urologue et l’anesthésiste. «En raison du risque d’accouchement prématuré, il est préférable que la patiente soit hospitalisée dans un service d’obstétrique plutôt que d’urologie.»
Ce geste se fait en effet au bloc, sous anesthésie générale le plus souvent, avec le risque que cela induit pour le foetus. A plus long terme, il y a un risque élevé de calcification de la sonde, qui sera difficile à retirer après l’accouchement ; il importe donc de surveiller étroitement la patiente jusqu’à la fin de la grossesse, un changement de sonde étant fréquemment nécessaire pendant cette période.
En cas d’échec de la pose d’une sonde, il faut alors faire une néphrostomie.
Le traitement étiologique n’est dans tous les cas fait qu’après l’accouchement et se fonde sur les mêmes stratégies que dans la population générale, la lithotritie étant aujourd’hui le traitement de référence.
* D’après un entretien avec le Dr Olivier Traxer, hôpital Tenon, Paris.
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