Une surveillance adaptée est nécessaire

La grossesse chez une femme porteuse d'un anneau gastrique ajustable

Publié le 02/06/2008
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Limiter la prise pondérale de la femme enceinte, diminue les complications obstétricales sévères de l'obésité morbide, sans effet néfaste sur le pronostic néonatal (Phanie)

Obésité morbide

L'obésité connaît un développement épidémique. En France, la fréquence de l'obésité est de l'ordre de 12 % de la population adulte. Ce chiffre est relativement modeste si on le compare à celui des États-Unis où un quart de la population est atteint. Il existe de nombreuses complications associées à l'obésité, au premier rang desquelles l'augmentation du risque cardio-vasculaire (hypertension artérielle, hyperlipidémie et diabète de type 2), l'insuffisance respiratoire avec apnée du sommeil. Les risques de mortalité et de morbidité associés à l'obésité sont corrélés au degré de surpoids. L'obésité morbide qui se définit par un indice de masse corporelle IMC ≥ 40 kg/m2 diminue l'espérance de vie des individus de dix à quinze ans. Dans notre pays, 0,8 % de la population présente une obésité morbide. Le traitement de l'obésité est d'abord une prise en charge multidisciplinaire, médicale, hygiéno-diététique et psychologique.

Chirurgie en cas d'échec

La chirurgie de l'obésité n'est envisagée qu'en cas d'échec de ces mesures, uniquement pour les patients présentant une obésité morbide ou majeure (IMC > 35) si celle-ci est associée à des facteurs de comorbidité. Le cerclage gastrique par anneau ajustable est sans nul conteste le procédé qui a rencontré le plus large succès ces dix dernières années. Son nombre est passé en France de 2 700 en 1997 à 17 000 en 2005.

L'anneau de gastroplastie consiste à créer une poche gastrique de volume très réduit (de 15 à 20 ml), obligeant les individus à limiter la prise alimentaire solide. L'anneau est relié par une tubulure fixée en sous-cutané, où le chirurgien pourra injecter ou retirer du liquide afin d'ajuster le gonflage et donc le débit alimentaire. Par rapport aux autres techniques, l'anneau gastrique représente une solution rapide, peu invasive, non mutilante, réversible, réalisable par laparoscopie et de surcroît qui n'induit pas de malabsorption digestive. Cependant, son efficacité à long terme demeure controversée.

Les patients qui ont recours à la chirurgie bariatrique sont surtout des jeunes adultes, en majorité des femmes. Chez les femmes jeunes, l'obésité est parfois la cause d'une infécondité par anovulation, qui peut rapidement disparaître dès l'amorce d'une perte de poids.

Symptomatologie des complications

Le pourcentage de réintervention pour complications est loin d'être négligeable et le devenir au long terme de l'anneau de gastroplastie n'est pas encore bien connu. La symptomatologie des complications est représentée par les vomissements, le pyrosis, la dysphagie ou les douleurs épigastriques. La dilatation chronique de la poche gastrique est la complication la plus fréquente. Elle peut résulter d'un serrage excessif de l'anneau, plus rarement d'un comportement alimentaire inadapté : ingestion trop rapide des aliments, mastication insuffisante. Le dégonflage partiel de l'anneau s'impose alors. Seule la radiographie avec ingestion d'un produit opaque peut détecter les signes prémonitoires et évite l'évolution vers les complications graves. Les complications graves sont représentées soit par la dilatation irréversible de la poche qui reste distendue en permanence et ne s'évacue plus que par trop plein, avec des régurgitations plusieurs heures après les repas, soit plus exceptionnellement par le volvulus aigu, la nécrose ou la perforation gastrique. Une autre complication plus rare est l'ulcération muqueuse au contact de l'anneau, amenant progressivement à la migration de celui-ci dans la lumière digestive et également au tableau de perforation gastrique. Les complications au niveau de la chambre d'injection existent aussi. Retournement, déconnexion de la tubulure, infection, bien que moins graves, obligent cependant à un geste chirurgical.

Méconnaissance de l'état gravide

Le passé d'infertilité et la fréquence des cycles irréguliers en cas d'obésité morbide permettent de comprendre la méconnaissance par la femme de son état gravide et donc le retard à la prise en charge en cas de pathologie materno-foetale. Outre le taux de fausses couches précoces plus élevé, il est également constaté, sans que le mécanisme soit clairement élucidé, un taux de malformations foetales plus important (spina bifida, omphalocèle, cardiopathie). Pour certains, liées à un diabète méconnu préexistant à la grossesse, pour d'autres, à la faible concentration en folates sériques fréquente chez l'obèse.

La grossesse de l'obèse morbide est plus fréquemment marquée par des complications de type hypertension artérielle gravidique (7,7 vs 0,5 %), prééclampsie (11,5 % vs 2 %), diabète gestationnel (15,4 % vs 1,8 %), césariennes (50 vs 15,4 %) et macrosomie foetale (42,3 vs 10,3 %), avec pour corollaire la dystocie d'épaule (1). Il n'est pas démontré que l'obésité soit en soi un facteur de risque indépendant de prématurité ; celle-ci étant avant tout induite par une pathologie sous-jacente. On connaît l'incidence plus importante de la mort foetale in utero chez l'obèse avec des odds ratios de 4,3 dans le cas de la prémipare. Le syndrome des apnées du sommeil et ses éventuelles conséquences sur la grossesse sont moins bien connus. Les périodes répétées de désaturation nocturne ont peut-être un rôle dans la genèse de la prééclampsie, du retard de croissance et de la mort foetale in utero. Au moment de l'accouchement, des difficultés anesthésiques locorégionales et générales sont à redouter. En outre, l'accouchement de l'obèse morbide pose dans notre pays des problèmes d'ordre logistique. Actuellement, toutes nos maternités ne sont pas équipées d'une table d'accouchement ou d'opération capable de supporter des poids ≥ 140 kg.

Les complications du post-partum chez l'obèse sont bien connues : abcès de paroi, désunion de cicatrice ou éventration en cas de césarienne, endométrite, lâchage d'épisiotomie, thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire. L'hémorragie de la délivrance est aussi plus fréquente.

Données de la littérature

Les données de la littérature sur l'association grossesse et anneau de gastroplastie sont encore rares. Elles portent sur des séries limitées de patientes. Néanmoins, elles montrent que l'anneau gastrique contribue indirectement, en limitant la prise pondérale de la femme enceinte, à diminuer les complications obstétricales sévères de l'obésité morbide, sans effet néfaste sur le pronostic néonatal (2, 3). Il y a moins d'hypertension artérielle gravidique, moins de pré-éclampsie et moins de diabète gestationnel. Il y a également moins de macrosomie. Pour autant, la croissance foetale ne semble pas être affectée par la présence de l'anneau gastrique.

Les complications mécaniques de l'anneau de gastroplastie surviennent tout aussi fréquemment qu'en dehors de la grossesse, avec des taux d'érosion, de bascule de l'anneau, de dysfonctionnement du cathéter ou du boîtier estimés à moins de 10 %. Les nausées et les vomissements en cours du premier trimestre de grossesse ne sont pas plus fréquents que dans la population générale des femmes enceintes, de toute façon présents chez 50 % d'entre elles. Ils ne justifient pas de dégonfler l'anneau gastrique, au risque, sinon de ne plus contrôler les poids maternels et foetaux, de voir réaugmenter les complications obstétricales de l'obésité morbide (3). Cependant, les dysphagies totales, les épigastralgies intenses, toujours inhabituelles en cas de grossesse normale, tout comme les vomissements alimentaires incoercibles ou des deuxième et troisième trimestres, doivent inquiéter. Ces symptômes seront interprétés jusqu'à preuve du contraire comme l'expression de complications potentiellement graves de l'anneau gastrique. La radiographie abdominale sans préparation, avec en fonction du terme de la grossesse un tablier de plomb, vérifie la bonne position de l'anneau gastrique qui de toute façon sera dégonflé. Le mode d'accouchement ne modifie pas le fonctionnement de l'anneau.

Stabilisation du poids avant la grossesse

Il n'est pas souhaitable de commencer une grossesse avant la stabilisation du poids chez une femme qui vient d'avoir une chirurgie bariatrique. Une perte de poids chez la mère entraîne une métabolisation de ses réserves en graisse avec libération d'acétone, potentiellement neurotoxique chez le foetus. Dans ces conditions, une contraception dans les mois qui suivent la mise en place d'un anneau est recommandée.

Folates

La supplémentation périconceptionnelle en folates conseillée chez toutes les femmes enceintes est encore plus justifiée chez l'obèse.

La surveillance pondérale doit être modulée en fonction du poids de la patiente au début de sa grossesse. En situation d'obésité résiduelle, ce qui est majoritairement le cas, l'objectif est de permettre à la femme porteuse d'un anneau de conserver son poids de début de grossesse ou à peine plus (de 3 à 4 kg). Si la patiente a retrouvé un poids normal avant la grossesse, la perte de poids doit inquiéter (4). Elle peut conduire à dégonfler l'anneau et ce d'autant qu'un retard de croissance intra-utérin chez le foetus serait diagnostiqué. En aucune façon, il n'y a d'indication à desserrer de façon systématique un anneau de gastroplastie pendant une grossesse.

(1) E. Grossetti, G. Beucher, A. Regeasse et al. Complications obstétricales de l'obésité morbide. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2004 ; 33 : 739-44.
(2) D. Bar-Zohar, F. Azem, J. Klausner et al. Pregnancy after laparoscopic adjustable gastric banding : perinatal outcome is favorable also for women with relatively high gestational weight gain. Surg Endosc. 2006 ; 20 : 1580-3.
(3) Y. Jasaitis, F. Sergent, V. Bridoux et al. Prise en charge des grossesses après anneau gastrique ajustable. J Gynecol Obstet Biol Reprod. 2007 ; 36 : 764-9.
(4) A.J. Skull, G.H. Slater, J.E. Duncombe et al. Laparoscopic adjustable banding in pregnancy : safety, patient tolerance and effect on obesity-related pregnancy outcomes. Obes Surg. 2004 ; 14 : 230-5.

> Dr FABRICE SERGENT Clinique gynécologique et obstétricale CHU, hôpitaux de Rouen

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8383