FRANÇOIS FILLON ne s'est pas rendu à la journée de rentrée du CNPS qui a réuni à Paris quelque 200 libéraux de santé (médecins, dentistes, infirmières, kinés, pharmaciens, orthophonistes…).
C'est Matignon pourtant qui avait formulé la demande au printemps, jugeant que ce rendez-vous tomberait à point nommé pour un exercice de pédagogie sur les réformes « santé » face aux professionnels concernés. Las, le Premier ministre était retenu aux journées parlementaires de l'UMP, à Antibes… Bonne raison ou prétexte, les représentants des 50 centres départementaux des professions de santé (CDPS) ont modérément apprécié son absence. «On se moque de nous!», s'est exclamé un orthophoniste sous les applaudissements.
Le terrain face aux « technos ».
Les libéraux de santé avaient pourtant de nombreux messages à transmettre au gouvernement, entre désarroi et colère.
À ce stade, ni l'esprit ni la lettre des textes ne conviennent, qu'il s'agisse aussi bien de l'avant-projet de loi Bachelot (Hôpital, patients, santé, territoires) que du projet de loi de financement de la Sécu (PLFSS 2009), que les députés examineront dès la fin du mois d'octobre. Le temps presse et l'angoisse monte, nourrie par les cafouillages de communication qui escortent ces deux textes régissant, pour l'un, l'organisation du système de santé (loi HPST), pour l'autre, son financement (PLFSS).
Sur le fond, nombre de professionnels libéraux voient toujours dans la loi Bachelot la voie royale vers… l'étatisation de la santé et la mort de l'exercice libéral. Pour Jean-Jacques Magnies, vice-président du SNMKR (kinés), «l'État est omniprésent, il planifie, régule tout, c'est la casse de la médecine libérale».
Chacun y va de sa formule : en cause, les «préfets sanitaires» (futurs directeurs des ARS), la «technostructure» qui ignore le terrain , le «groupe d'énarques» qui aurait inspiré cette loi. Nul ne peut croire que les futurs SROS ambulatoires (schémas régionaux d'organisation des soins) ne seront pas opposables aux professionnels à court terme. Beaucoup de professionnels jugent que le « brainstorming » des états généraux a accouché d'une souris. Pour Philippe Tisserand (FNI, infirmiers), «cette loi renforcera les corporatismes, pas les coopérations». Le Dr Michel Chassang (CSMF) ironise sur la «nouvelle race de médecins généralistes que sont les médecins généralistes de premier recours (MGPR) chargés… du suivi des affections courantes».
Les conventions nationales seraient mises à mal, même si Roselyne Bachelot s'en défend. Le malaise n'est pas dissipé. «Les contrats seront régionaux, martèle Patrick Perignon (FNO, orthophonistes), on aura une juxtaposition d'initiatives locales sans cohérence.» Certainsredoutent que la loi HPST pérennise des expérimentations (coopérations, modes de rémunération) menées jusque-là à titre dérogatoire sans succès probant.
Médecins et chirurgiens-dentistes fulminent contre un article qui inverse la charge de la preuve en matière de refus de soins et durcit les sanctions. «Le médecin ou le dentiste sera coupable a priori . Qu'a- t-on fait pour mériter ce sort?», s'étonne Michel Chassang.
Quant à la représentation régionale des professions de santé, c'est un autre motif d'inquiétude. D'aucuns pronostiquent la «balkanisation» syndicale, le retour des coordinations.
Combien de divisions ?
La charge des libéraux de santé n'épargne pas le PLFSS, même si elle paraît comparativement moins virulente. L'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) est jugé «faussement réaliste» pour la ville, autrement dit contraignant.
Le texte contient surtout des mécanismes «comptables» visant deux spécialités (radiologues, biologistes), des professions paramédicales à travers l'encadrement des actes en série, ou encore les pharmaciens (baisses de marges)…
Reste à savoir si ce blues des blouses blanches peut se transformer en mouvement national dur. Le CNPS, qui s'apprête à réunir ses instances, n'a pas arrêté sa stratégie. Il reste quelques semaines pour alerter les parlementaires, convaincre le gouvernement de revoir ses copies. Certains estiment qu'il faut «court-circuiter l'avenue de Ségur» (le ministère de la Santé) et se tourner vers l'Élysée. Les plus jusqu'au-boutistes réclament «des mots d'ordre» de mobilisation. Seront-ils entendus ?
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