Après quelques échecs chez l'homme dans les années soixante et de nombreux travaux expérimentaux, la greffe intestinale connaît depuis le début des années quatre-vingt-dix un développement clinique. Cette greffe reste marginale comparativement à d'autres transplantations d'organes en raison de la relative rareté des indications et de l'amélioration de la nutrition parentérale prolongée.
Les derniers résultats du registre international de transplantation Intestinale, présentés à Stockholm en septembre dernier, font état de 696 transplantations réalisées chez 656 patients dans 55 centres, dont 4 ont réalisé plus de 30 transplantations intestinales (TI). Les deux tiers des receveurs ont moins de 16 ans. Il s'agit de transplantations isolées du grêle avec ou sans le côlon (42 %), de transplantations combinées foie-grêle (45 %) ou de transplantations multiviscérales (13 %) incluant l'estomac, le foie et le grêle.
La TI a été effectuée pour syndrome du grêle court (64 %), diarrhée grave rebelle (13 %), syndrome de pseudo-obstruction intestinale chronique (8 %).
Survie des patients à deux ans, 73 %
A l'hôpital Necker - Enfants-Malades*, 48 TI ont été réalisées chez 43 enfants, dont 39 sous tacrolimus. Sous cette thérapeutique, la survie des patients et des greffons est, à deux ans, respectivement de 73 et 31 % pour les transplantations isolées du grêle et de 75 et 71 % pour les transplantations combinées foie-grêle.
Un certain nombre de conclusions peuvent être tirées de ces premières transplantations de l'intestin grêle réalisées durant ces dix dernières années. L'avènement du tacrolimus en 1990 a permis la survie durable du greffon, qui n'était pas obtenue sous ciclosporine A.
Les indications des TI se précisent : les syndromes de grêles courts (insuffisance intestinale anatomique) secondaires à une malformation (maladie de Hirschsprung), à un traumatisme, à une maladie de Crohn ou à un infarctus mésentérique. Elle sont aussi indiquées dans les insuffisances intestinales fonctionnelles des syndromes de pseudo-obstructions intestinales chroniques et de certaines pathologies de la muqueuse intestinale réalisant des tableaux de diarrhée graves rebelle chez l'enfant. Chaque indication doit être pesée en termes d'effets iatrogènes et de qualité de vie. La TI permet une autonomie digestive et le maintien d'une croissance normale chez l'enfant.
La principale complication après TI reste le rejet. L'intestin grêle est un véritable organe lymphoïde, tant il est riche en populations lymphocytaires immunocompétentes. La réaction du rejet contre l'hôte est cependant exceptionnelle et ne constitue pas un facteur limitant.
La survenue d'une réaction de rejet aigu précoce (avant quinze jours) ou retardée (après de deux à six mois) est à rechercher, car elle est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital. Même une immunosuppression précoce et large ne permet pas de la prévenir dans tous les cas. On la recherche par biopsies itératives, faciles à réaliser car l'extrémité distale du greffon, est placée en entérostomie. Le diagnostic précoce est possible par la mise en évidence de l'activation des lymphocytes T au niveau de la muqueuse intestinale. Il et nécessaire, car les signes cliniques n'apparaissent que dans un deuxième temps.
Les complications infectieuses ne sont pas différentes de celles des autres transplantations.
250 transplantations combinées grêle-foie
La transplantation combinée hépatique et intestinale est techniquement possible et immunologiquement favorable. Des argument expérimentaux indiquent que la tolérance serait meilleure et les résultats de certains centres mettent en évidence une incidence réduite de rejet par rapport à la transplantation isolée du grêle. Plus de 250 transplantations combinées grêle-foie ont été réalisées. La nutrition parentérale prolongée conduit à des altérations hépatiques qui obligent dans certains cas à la proposer. Elle est indiquée également en présence d'une hépatopathie cirrhogène évolutive. La technique de base (Omaha), qui consiste en une transplantation monobloc du foie et de l'intestin, impose que le poids du donneur soit très proche de celui du receveur. Il est possible de faire une réduction hépatique et éventuellement une réduction intestinale si la maladie initiale du receveur le permet. Cette technique a été réalisée 26 fois chez 25 enfants. L'avenir dans ce domaine passe par une prévention des complications hépatiques de la nutrition parentérale.
Les transplantations multiviscérales (estomac, pancréas, foie, grêle) sont rapportées depuis 1989. Elles ne sont envisagées que si la situation anatomique l'impose, notamment chez l'adulte en présence d'une tumeur envahissante de la région coeliaque.
* Communication d'Olivier Goulet et de Yann Révillon, hôpital Necker - Enfants-Malades, Paris, au colloque Information et greffe, Paris.
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