ENTRE 1986 et 1989, 2 473 sujets vivant en Hollande atteints d'accident ischémique transitoire et ayant été hospitalisés ont été inclus dans une étude visant à évaluer l'intérêt d'un traitement préventif par aspirine (soit 30, soit 283 mg) sur la survenue d'un accident vasculaire ischémique cérébral.
L'équipe de neurologues qui avait mis en place ce travail a analysé le devenir des malades après un suivi moyen de 10,1 ans. Ils ont choisi deux critères principaux d'étude : le décès, quelle qu'en soit l'origine, et un critère composite, incluant les décès d'origine cardio-vasculaire, les accidents vasculaires cérébraux et les infarctus du myocarde n'ayant pas entraîné le décès. Les auteurs ont interrogé les malades vivants et les familles ou les médecins des personnes décédées afin de préciser le devenir des sujets inclus dans l'étude. Ce suivi a été possible pour 99 % (2 447) des malades.
60 % des patients décédés à dix ans.
« Plus de dix ans après l'inclusion, 60 % des patients étaient décédés et 54 % avaient présenté au moins un accident vasculaire ischémique (territoire cérébral, cardiaque ou artères des membres inférieurs). Ajusté à l'âge, le risque de décès à dix ans des sujets traités était de 42,7 % et celui des événements vasculaires était de 44,1 % », analysent les auteurs. A un an, le risque cumulatif de décès était de 3,4 %, il était de 19,4 % à deux ans.
Par rapport à une population témoin, les sujets traités par aspirine avaient un risque global d'événement abaissé au cours des trois premières années de suivi, mais ce bénéfice ne s'est pas maintenu à long terme. Pour les auteurs, « cette modification pourrait s'expliquer par une moindre observance du traitement à moyen terme et par un effet bénéfique limité de la modification des habitudes de vie ».
L'analyse des données démographiques des deux groupes de patients - ceux décédés ou ayant présenté un accident vasculaire et ceux exempts d'atteinte cérébrale, cardiaque ou des vaisseaux des membres inférieurs - permet de préciser les populations à haut risque. C'est, en effet, chez les plus de 65 ans, les sujets à antécédents vasculaires (infarctus du myocarde, claudication intermittente, angine de poitrine, chirurgie des artères périphériques, angine de poitrine) et les diabétiques que le risque de nouvelle atteinte est le plus élevé. D'autres éléments cliniques et paracliniques propres à l'accident vasculaire transitoire semblaient aussi en faveur d'une récidive ischémique : importance du déficit initial, durée de ce déficit et délai avant le retour à l'état neurologique antérieur.
Les auteurs soulignent que ce travail ne traduit pas la réalité clinique, puisque, à l'heure actuelle, un nombre non négligeable de sujets atteints d'AIT ne sont pas hospitalisés, car les conséquences de cette pathologie restent encore sous-estimées par le grand public et aussi encore parfois par les médecins.
L'ischémie cérébrale instable.
En se fondant sur ces résultats, le Dr Graeme Hankey (Perth), dans un éditorial, propose l'adoption d'une nouvelle terminologie : l'ischémie cérébrale instable, faisant un parallèle avec l'angor instable, lui aussi en rapport avec l'existence d'une plaque artérielle instable. Reconnaître et traiter les sujets souffrant d'ischémie artérielle instable pourrait permettre la mise en œuvre rapide d'un traitement par antiagrégants plaquettaires, voire par endarthérectomie chirurgicale ou prise en charge endovasculaire des lésions artérielles primitives. « Dans ces conditions, il est important de se donner les moyens diagnostiques et thérapeutiques pour ces malades dont le risque d'atteinte vasculaire grave est aussi important que celui des sujets souffrant d'angor instable », conclut le Dr Hankey.
« The Lancet » vol. 365, pp. 2065-2067 et 2098-2104, 18 juin 2005.
Une pathologie à haut risque
Au cours des 48 premières heures suivant un accident ischémique transitoire, le risque de récidive ou d'accident vasculaire cérébral constitué est de 5 %. Il passe à 12 % si l'on se réfère aux trente premiers jours. Interrogés sur les signes précurseurs de leur maladie, les sujets atteints d'accident vasculaire signalent qu'ils avaient présenté au moins un épisode d'accident ischémique annonciateur : 9 % la veille de leur AVC et 43 % au cours de la semaine précédente.
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