UN THAILANDAIS de 45 ans a été adressé au service de dermatologie de l’hôpital de Hambourg en avril 2004. Cet homme vivait en Europe depuis dix-huit ans et, depuis son arrivée, il ne s’était plus rendu dans son pays d’origine.
Depuis huit mois environ, il présentait des plaques érythémateuses, non douloureuses sur différentes parties du corps : bras, jambes, dos et torse. Il était par ailleurs tout à fait asymptomatique et n’avait pas présenté de phénomènes allergiques ou de pathologie cutanée. Les médecins n’ont relevé aucun antécédents familiaux particuliers. L’examen ophtalmologique et neurologique était sans particularités. Les lésions n’étaient pas hyposensibles et l’examen n’a pas permis de détecter d’épaississement des nerfs périphériques. Les premiers examens biologiques se sont révélés normaux et les sérologie VIH1 et 2 et HTLV 1 et 2 n’ont pas permis de détecter d’anticorps. Aucun élément en faveur d’une syphilis ou d’une tuberculose n’a été signalé. Le titrage des anticorps antiglycolipide phénolique 1 était de 1/1 240.
Biopsie cutanée.
Devant ce tableau, les dermatologues ont effectué une biopsie cutanée qui a montré l’existence d’une dermatose granuleuse accompagnée d’un agrégat d’histiocytes et de lymphocytes au niveau du derme. Les histologistes ont signalé la présence de globi, masses denses contenant des bacilles au sein de macrophages. Il ont aussi signalé la présence d’une lésion typique de lèpre : une fine zone claire sous-épidermique. Mais cette lésion n’était pas associée à des lésions nerveuses. Les cultures bactériennes standard se sont révélées négatives ainsi que les cultures Schiff et Giemsa. Cependant, l’examen histologique a mis en évidence de nombreux organismes acido-résistants et l’examen PCR de la biopsie cutanée a détecté un ADN de Mycobacterium leprae.
L’interrogatoire du patient a permis de connaître ses conditions de vie en Thaïlande. Il avait vécu dans une région où la lèpre sévit de façon endémique et son père avait souffert de cette maladie trente ans auparavant. Le traitement mis en place par les dermatologues allemands comprenait de la rifampicine, de la clofazimine et de la dapsone. En raison des possibles effets indésirables de ce traitement – en particulier l’apparition possible d’érythème nodulaire –, ce patient est revu en consultation tous les trois mois et, actuellement, son état de santé est satisfaisant.
«Près de 100 cas de lèpre son signalés chaque année aux Etats-Unis. Il s’agit majoritairement de personnes en provenance de pays en développement. La période d’incubation de la maladie va de 2 à 40ans (incubation moyenne de 5 à 7 ans) », explique le Dr Stefan Schmiedel (Hambourg). La faible prévalence de la maladie en Europe, la longue période d’incubation et la diversité des tableaux cliniques rendent le diagnostic assez difficile. Le nombre des cas de transmission dans les pays développés reste très faible et la voie de transmission n’est pas encore parfaitement appréhendée : goulettes nasales ou contact cutané direct.
> Dr Isabelle CATALA
« The Lancet », 2006 ; 367 : 458.
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