La grande misère des comités d'hygiène et de sécurité

Publié le 18/11/2001
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Cela fait bientôt vingt ans que les comités d'hygiène et de sécurité, mis en place à la Libération, ont été associés aux commissions d'amélioration des conditions de travail, constituées au sein des comités d'entreprise au début des années soixante-dix, pour devenir « Comités d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail » (CHSCT, loi Auroux du 23 décembre 1982).

La fusion était impérative, puisque les risques professionnels sont souvent liés à l'organisation du travail ou aux modes de production.
Or, entre la volonté du législateur et la pratique sur le terrain, il y a un « grand écart », estime le Conseil économique et social (CES), qui vient de réaliser un bilan d'activité des CHSCT . Même si le CHSCT est devenu « le premier acteur chargé de la prévention des risques professionnels », aux côtés des employeurs, des syndicats, des comités d'entreprise, des délégués du personnel, et aussi de la médecine du travail, des caisses régionales d'assurance-maladie, de l'inspection du travail et des agences pour l'amélioration des conditions de travail.
Les 22 000 CHSCT recensés actuellement couvrent près des trois quarts des établissements assujettis, c'est-à-dire employant au moins 50 personnes, et concernent un tiers de l'ensemble des salariés. Leur taux d'implantation augmente avec la taille des entreprises : soit 96 % dans celles de 500 employés et plus, contre 60 % dans les moins de 100. L'ancienneté de l'entreprise, alors « consciente de la nécessité de disposer d'une structure spécifique pour traiter des questions de santé et de conditions de travail », de même qu'une présence syndicale et un dialogue social forts, favorisent leur existence et leur dynamisme.

De plus en plus de tâches, mais pas plus de moyens

« De façon générale, souligne le CES, force est de constater que les missions dévolues aux CHSCT n'ont cessé de croître au fil des années. » Au-delà d'actions « classiques », telles que la prévention des incendies, les équipements de protection, la situation des handicapés et des femmes, notamment des futures mères exposées aux éthers de glycol, les comités ont eu à faire face aux fibres d'amiante, qui provoquent « probablement 2 000 morts par an », aux appareils de climatisation infectés par la légionellose, qui a entraîné 90 décès en 2000, aux risques cancérogènes et aux rayons ionisants ou encore à la protection des non-fumeurs.
A cela s'ajoutent d'autres formes d'altération de la qualité de vie au travail, en matière de santé psychologique, par exemple, comme le stress ou le harcèlement sexuel « qui trouvent de fait leur place dans les compétences des CHSCT ».
« La cybersurveillance au travail et l'accélération des rythmes due à la rapidité d'information et de communication ouvrent des champs de malaise », note le rapport . Et, « dans un avenir proche », les CHSCT pourraient avoir à s'occuper du « harcèlement moral, comme l'envisage le projet de loi sur la modernisation sociale, en discussion au Parlement ».
Ces « exigences nouvelles », relevant de la prévention et du traitement des risques professionnels, tant physiques que moraux et psychiques, « appellent des réponses novatrices et adaptées ».
Aussi, estime le CES, qui s'en tient à un constat sans formuler de propositions concrètes, ne serait-il pas inutile de donner aux comités des finances du temps, de la formation et des locaux, car leurs moyens restent « très limités ». En 2001, un CHSCT n'a « pas de budget de fonctionnement propre », mais dépend du bon vouloir de l'employeur.
Quant aux sociétés de moins de 50 salariés, non soumises à l'obligation de CHSCT et où travaillent 7,7 millions de personnes, les horaires y sont généralement plus élevés qu'ailleurs, les qualifications plus faibles, la précarité et le turnover plus importants, les accidents et les maladies professionnelles plus nombreux.
Si l'on veut éviter des drames comme l'explosion de l'usine toulousaine pétrochimique AZT, il convient, conclut Gérard Filoche, rapporteur de l'étude du CES, de « comprendre de l'intérieur l'entreprise » et de donner la parole aux travailleurs « quand il s'agit de leurs propres conditions de travail et de leur sécurité ».

Ph. R.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7012