Si l'internat de Paris eut, de 1903 à 1971, ses « albums » de photographies, l'internat de Lyon eut et a toujours son « Crocodile », bulletin de l'association générale de l'internat créée en 1924. Le crocodile, emblème de l'internat lyonnais né en 1825, fait référence au crocodilien empaillé suspendu depuis la fin du XVIIIe siècle sous la voûte du grand dôme de l'hôtel-Dieu (et aujourd'hui au musée).
Dès sa parution, « le Crocodile » fédère un groupe actif de dessinateurs médecins et non médecins qui vont y collaborer régulièrement. Selon Philippe Paillard, directeur du musée des Hospices Civils, qui vient de rassembler dans un livre les caricatures du monde médical lyonnais (1890-1950)*, si la pratique médicale a souvent inspiré la verve satirique, il est relativement nouveau de la voir reprise par les médecins eux-mêmes. Et de citer la conférence donnée en 1925 à Lyon par le Dr Brunerie, qui explique que si les médecins sont si souvent des humoristes, c'est qu'il y a « deux choses qui prédisposent à l'humour, la scatologie et la mort ». Le médecin « oublie l'horrible pour ne voir que le pittoresque ». Si le phénomène se développe particulièrement à Lyon après 1910, il faut y voir l'action du jeune maire Edouard Herriot, désireux d'améliorer le niveau culturel de la ville. Le premier Salon des étudiants est organisé en juillet 1912 et le point d'orgue de ces expositions sera en 1921 le Salon des humoristes... Si la caricature est déjà bien représentée par Charles Bonne (1872-1908), interne en 1892, ou dans les invitations aux « Revues » de l'internat et les illustrations parues dans les Cahiers de semestre de la Croix-Rousse, les dessinateurs médecins ou non médecins, encouragés par une reconnaissance officielle, au-delà des cercles estudiantins, laissent libre cours à leurs crayons déchaînés. Il faut citer Paul Bonnet (1884-1959), interne en 1906, ophtalmologiste spécialiste des portraits-charges ; Eugène Briau (1870-1951), qui toute sa vie illustrera ses livres et ses articles ; Jean Duclos (1891-1968), dont la mère voulait qu'il fasse médecine et qui découvrit ses talents de sculpteur de marrons grâce à son scalpel de chirurgien ; Lucien Michel (1886-1976), interne en 1911, grand organisateur, avec Georges Francillon, des festivités de l'internat ; André Ricard (1895-1958), interne en 1920, d'abord tenté par le dessin ; Camille Vincent (1896-1974), interne en 1922, une des rares femmes médecins à l'époque... Rien d'étonnant si des non-médecins comme Marcel Jacquemin ou Georges Charleux sont attirés par l'ambiance de l'internat. Parmi les plus connus de ces artistes qui collaborèrent avec les médecins, Gabriel Chevallier (1895-1969), Louis Touchagues (1893-1974), Pierre Combet-Descombes (1885-1966) et Jean Mara (1912-1992).
La fin de la Seconde Guerre mondiale marque une rupture dans la pratique du dessin d'humour médical. Si les revues et les fresques des salles de garde restent une tradition vivante, les « Crocodile » d'après-guerre reprendront bien souvent les dessins d'avant-guerre.
« L'Humour médecin, caricatures du monde médical lyonnais (1890-1950) », par Philippe Paillard, Editions lyonnaises d'art et d'histoire, 144 pages, 30 euros.
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