POURQUOI le président de la République a-t-il changé d'attitude entre décembre et janvier au sujet du pouvoir d'achat ? Pourquoi avoir d'abord dit que les élections municipales de mars 2008 seraient un test national, pour prononcer ensuite un jugement diamétralement opposé ? Comment ne s'est-il pas aperçu que l'exposition, narcissique, et même indécente, de sa vie privée commençait à lasser les Français ? Pourquoi semble-t-il remettre en cause la laïcité telle qu'elle résulte de la loi de 1905 et intervient-il si souvent au sujet de la religion, alors que l'immense majorité des Français souhaite qu'elle reste dans le champ de la vie privée ?
M. Sarkozy est principalement victime de son caractère, qui combat inconsciemment les effets de son intelligence. Il n'a tenu à faire savoir qu'il avait une idylle avec Carla Bruni que pour montrer qu'il avait surmonté le chagrin causé par le départ de Cécilia. Mais guérir en trois mois d'un divorce apparaît comme une forme d'insensibilité. Le président veut toujours montrer sa force, son énergie, sa suprématie alors que, s'il laissait transparaître ses faiblesses, beaucoup en seraient attendris. La multiplicité de ses interventions publiques, ses attitudes revanchardes, sa manière d'apostropher les journalistes qui ne semblent guère lui inspirer de respect, donne de lui l'image d'un homme agité, bruyant et vindicatif. S'est-il seulement rendu compte qu'il n'avait pas le droit de changer de position au sujet du pouvoir d'achat ? Or il savait que tous ses concitoyens, ses électeurs comme les autres, l'attendaient sur ce sujet. On ne peut pas toujours dire, comme de Gaulle, que les Français sont des veaux.
Christine et Fadela.
L'intensité de la revendication sur le pouvoir d'achat témoigne de difficultés graves qui, après avoir augmenté le nombre de pauvres en France, après avoir aggravé leur détresse, gagne maintenant la classe moyenne. Un exemple : la politique du logement a notamment mis en scène le conflit qui oppose la ministre Christine Boutin et la secrétaire d'Etat Fadela Amara. Le résultat est qu'elles se sont discréditées réciproquement en attendant l'annonce, par M. Sarkozy, du plan gouvernemental. Mais la réalité des faits, c'est que des couches entières de la population sont exclues par les prix de l'accès à la propriété et d'autres de la location. A ce sentiment que la population s'appauvrit chaque jour, ne pouvait-on opposer au moins la clarté des intentions du gouvernement ? Et n'est-ce pas le rôle du président de ramener le calme entre ses ministres de droite et ses ministres d'ouverture ?
L'ouverture a été justement la grande idée du sarkozysme, celle qui a laissé la gauche pantoise, celle qui semblait mettre fin au clivage gauche-droite, celle qui réconcilierait les Français autour d'une politique du possible.
Malheureusement, M. Sarkozy est plus intéressé, lorsqu'il lance un nouveau concept, par son effet immédiat que par ce que sa mise en œuvre implique. Il a embauché Bernard Kouchner sans lui donner l'occasion d'exprimer pleinement ses idées en matière de relations extérieures ; il a tourné le dos aux droits de l'homme dans le monde après avoir juré qu'il les défendrait (il a empêché Rama Yade de l'accompagner en Chine pour ne pas indisposer le gouvernement chinois, il a félicité Vladimir Poutine pour la victoire de son parti aux élections législatives) ; il est allé en Arabie saoudite insister sur le rôle de la religion, ce qui est une mascarade quand on pense qu'il parlait en terre théocratique ; comment les ministres d'ouverture seraient-ils à l'aise avec l'érosion de la laïcité et l'injure faite aux droits de l'homme ?
RATER L'OUVERTURE RENVIENDRA À RATER LE MANDAT
Sarkozy donne raison à la gauche.
Or c'est simple : si M. Sarkozy rate l'ouverture, il rate son mandat. Pourquoi ? Mais justement parce que l'ouverture, dénoncée à grands cris par la gauche, finit par donner raison à la gauche. Parce que les Français, en définitive, prennent l'ouverture plus au sérieux que Nicolas Sarkozy lui-même et que si un grand projet échoue, le reste s'en va avec.
Dans ces conditions, que faire ? On ne change pas de présidence comme de chemise. M. Sarkozy est là pour quatre ans et demi. Il lui appartient de dresser son bilan. Rien n'est perdu. Les réformes sont amorcées, il faut les terminer. M. Sarkozy doit accorder un rôle plus grand à son Premier ministre, estimable besogneux de la réforme. Il doit adoucir son discours aux Français, à tous les Français, y compris ceux qui le haïssent. Il doit nous épargner durablement ses amours, son luxe et ses dépenses personnelles ou financées par ses amis. Il doit s'attaquer sans plus tarder à la question du pouvoir d'achat et cesser de nous dire que « les caisses sont vides », antienne pathétique qui rappelle l'impuissance de Chirac et, avant lui, celle de Mitterrand.
La question ne porte pas sur la meilleure façon de riposter à la gauche militante qui l'accable de sarcasmes. La question porte sur l'usage des talents dont il s'est entouré. Il pourrait, par exemple, faire un meilleur usage de Rachida Dati qui, face à la statue du Commandeur, reproduit avec moins d'autorité l'agitation sarkozienne. Que les caisses soient vides ou non n'empêche pas d'augmenter les petites retraites, d'augmenter le SMIC parce que les smicards ont une vie impossible, celle des travailleurs qui ne joignent pas les deux bouts. Un peu moins de luxe personnel, un peu plus de compassion pour un pays dont un bon tiers n'a pas la vie qu'il mérite.
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