«CE CONCEPT de congrès n'existe nulle part ailleurs. Les praticiens francophones des pays du Sud ne sont pratiquement pas présents dans les congrès internationaux. Il est indispensable de mettre en place un pôle d'échanges en langue française avec un poids africain important», explique le Pr Jean-François Delfraissy. Car comment exprimer, communiquer, échanger ou partager dans une langue qui n'est pas la sienne ? Le Pr Christine Katlama explique pour sa part avoir observé, lors de la conférence de Toronto, à quel point les francophones avaient du mal à prendre la parole et n'osaient pas défendre leur point de vue. Or, plus que pour n'importe quelle maladie, la lutte contre le sida nécessite de tels échanges : «Ce n'est pas seulement une infection due à un virus, c'est une maladie de l'intime», explique-t-elle.
Les Prs Delfraissy et Katlama font partie, avec Bernard Elghozi et Pierre-Marie Girard, du comité d'organisation de la 4e conférence francophone, qui, après Bruxelles (Belgique), s'installe à Paris du 29 au 31 mars*. Quelque 1 500 spécialistes, dont 300 venus du Sud (Afrique et Asie) grâce à un vaste programme de bourses, sont attendus à la Cité des sciences et l'industrie de Paris. Pour ce concept de congrès inédit, les organisateurs ont choisi comme symbole l'environnement technologique, scientifique et culturel du Centre Paris/Villette. L'événement est placé sous le patronage du ministère de la Santé et des Solidarités, du ministère de la Recherche et du ministère des Affaires étrangères, sous l'égide de l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (Anrs), en partenariat avec des associations, Esther, Sidaction, Aides, Eacs et Solthis.
Au Nord comme au Sud.
En dehors de l'aspect stratégico-politique affiché – la francophonie n'entend pas se heurter frontalement à une vision anglophone, mais veut porter une vision différente de la santé, «celle qui a permis de remettre en cause un certain nombre de mécanismes dominants au niveau international» et de faire notamment «admettre l'accès des pays pauvres aux antirétroviraux», rappelle Jean-Paul Moatti –, la conférence propose un riche programme scientifique. Tous les aspects de la prise en charge y seront abordés : médicaux, thérapeutiques, épidémiologiques et sociaux, de même que ceux, économiques et politiques de l'épidémie. Car, «au Nord comme au Sud, rien n'est réglé», insiste le Pr Delfraissy. Au Nord, si les progrès thérapeutiques permettent aujourd'hui à 85 % des malades traités d'avoir une charge virale indétectable et de bénéficier de traitements plus simples et bien tolérés – «les lipodystrophies ont pratiquement disparu», assure le Pr Katlama –, les discriminations persistent. L'enquête Anrs/Vespa a permis d'évaluer leur ampleur et leur impact sur la vie des personnes. Jean-Paul Moatti, éditeur du numéro spécial de la revue « Aids » (volume 21, supplément de janvier 2007) consacré notamment à cette étude, rappelle que 1 patient sur 4 rapporte une expérience concrète de discrimination et que ce vécu est corrélé à la prise de risque lors des relations sexuelles (1 patient sur 5 avoue des rapports non protégés avec des partenaires sérodiscordants dans les douze derniers mois). Un tel vécu contribue également à la poursuite de la circulation du virus : 15 % des personnes vivant en couple n'ont pas prévenu leur partenaire et ce chiffre s'élève à plus de 30 % dans les départements des Antilles et de la Guyane. De plus, du fait des discriminations, à peine 1 patient sur 2 bénéficie d'une qualité de vie comparable à celle de la population du même âge et du même sexe.
Accès aux ARV de deuxième ligne.
Au Sud, si l'on peut parler d'un bond en avant – plus de 1,5 million de personnes traitées en juin 2006, soit 3 à 10 fois plus qu'en 2003 –, des obstacles perdurent dans l'accès au traitement. Le coût des ARV de deuxième génération (10 à 20 fois plus chers) vont peser lourdement sur les programmes de prise en charge. Or, trois ans après la mise sous traitement, environ 20 % des patients sont en échec thérapeutique. Les obstacles à la prévention de la transmission mère/enfant seront également abordés : seulement 10 % des femmes enceintes séropositives ont accès à une prise en charge complète : dépistage, ARV et suivi postgrossesse, que l'on sait pourtant efficaces.
Pendant deux jours, le 30 et le 31 mars, communications orales, ateliers et débats se succéderont. Le congrès a reçu le soutien des laboratoires pharmaceutiques : Abbott, Bristol-Myers Squibb, Gilead, GlaxoSmithKline, Tibotec, Virco, Pfizer, Roche, Becton Dickinson, Biocentric, Boehringer Ingelheim, Merck Sharp & Dohme, Partec ou sanofi-aventis, qui viendront partager leur réflexion sur les stratégies à mettre en oeuvre dans les pays du Sud.
Le jeudi 29 mars, en amont de la conférence, une journée interassociative coorganisée par Aides, Sidaction et le TRT-5 sera consacrée à l'implication de la société civile au cours des vingt années de lutte contre l'épidémie. A l'issue de la cérémonie d'ouverture de la fin d'après-midi, un film sera projeté en avant-première : « Pour des jours meilleurs… Sida : l'espoir naît de la recherche ».
* Programme disponible sur www.vihparis2007.com.
Des kits de prévention en Guadeloupe
Depuis le 8 mars, des kits de prévention, avec 100 préservatifs et des brochures sur la prévention sida, sont distribués aux infirmières libérales en Guadeloupe, afin que chacune puisse sensibiliser ses patients. L'opération, qui doit durer un an, est organisée par l'association Vaincre le sida ensemble, en accord avec le Syndicat des infirmiers de la Guadeloupe et le Sniil 97. Elle a reçu le soutien du Cisih et du service des maladies infectieuses du CHU de Pointe-à-Pitre, ainsi que celui des Laboratoires Roche et Abott. La Guadeloupe est parmi les départements français les plus touchés, après la Guyane et juste avant la Martinique.
Un colloque Esther
En avant-première de la conférence Paris VIH 2007, le réseau Esther (Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau) organise un colloque sur la décentralisation de la prise en charge et la pédiatrie, deux défis auxquels sont confrontés les pays en développement. Deux ateliers seront consacrés à ces deux thèmes. Le premier définira les atouts des différentes stratégies de décentralisation dans un contexte de pénurie des ressources humaines autour des expériences d'Esther dans 4 pays : Bénin, Cameroun, Côte d'Ivoire et Mali. Le second abordera la problématique du diagnostic néonatal et les contraintes et opportunités de la prise en charge pédiatrique. Bernard Kouchner viendra conclure la journée, qui sera l'occasion de la signature d'un accord formalisant le rapprochement d'Esther et de l'Anrs.
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