Arts
En s'en tenant au portrait, qu'il pratique avec une maîtrise exceptionnelle, on peut établir le parcours de l'art de Raphaël dans sa recherche éperdue de perfection et la fascination qu'exerce sur lui une sorte d'épuration du poids charnel pour atteindre une idéalisation de l'être, projeté dans l'espace du divin.
Si la divinité n'a de visage que celui qu'on lui donne, elle a aussi ses caractères, ses pulsions (tapageuses dans la Grèce antique), ses excès dans l'expression. Dieu, sous le pinceau de certains artistes, n'est pas la figure de la perfection mais de la force, de la colère ou de la menace. La Renaissance l'idéalise mais lui propose la mesure de l'homme affranchi de toutes ses imperfections, de ses faiblesses.
La femme en est l'image aimable, débarrassée de toute inflexion sexuelle (« La Fornarina » exceptée), descendante des vierges primitives, mais portée à une perfection d'exécution qui frôle la froideur. D'une si grande domination de son art, Raphaël atteint un pouvoir de recréer un monde idéal, inaccessible.
Portraits de ses contemporains, Andrea Navagero, Agostino Beazzano, mais surtout le justement célèbre Baldassar Castiglione, si représentatif de l'humaniste du temps de la Renaissance. Maîtrise de soi, finesse et intelligence, l'homme occupe tout l'espace où Dieu, un siècle avant, avait la priorité. Ce n'est pas pour l'avoir chassé, mais s'en rendre digne, et retrouver sa mansuétude, sa grandeur et sa sagesse. Une image typique de la complexité de l'âme humaine.
Ce Raphaël idéalisant la représentation de l'homme, transformant les femmes en vierges attendries, est un personnage hors normes (sinon pour son époque), dilapidant les fortunes qu'il gagne, vivant dans le faste et les fêtes, menant de front une vie d'artiste qui se confond avec celle d'un homme d'affaires, conduisant un atelier qui « produit » des uvres portant son label, et « mourant d'amour », ce qui est une manière de dire qu'il est mort (entre autres) d'épuisement sexuel. Plus prosaïquement, on estime qu'il est peut-être mort du paludisme, à 37 ans. On peut s'abandonner à la légende. Ce créateur de beautés ineffables, sublimées par un pinceau de génie, s'est jeté dans les plaisirs de la vie sans calcul ni mesure. Courant après sa mort. Mais il a laissé derrière lui des visages qui témoignent de son rêve d'une humanité proche de la perfection accordée au divin.
Musée du Luxembourg (19, rue de Vaugirard),
mardi, mercredi, jeudi, de 10 h à 19 h, lundi et vendredi, de 10 h à 23 h, samedi et dimanche, de 10 h à 20 h. Entrée 55 F.
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