De notre correspondante
à New York
« Cette étude marque une étape importante pour la nouvelle science qui consiste à utiliser le profil d'expression génique afin de découvrir les gènes liés aux réponses permettant la progression de la maladie », commente le Pr Robert Modlin, de l'université de Los Angeles, qui a dirigé l'équipe. « L'étude débouche aussi sur des perspectives inattendues en ce qui concerne la pathogenèse et les cibles thérapeutiques. »
La variabilité de la réponse immunitaire à l'infection par Mycobacterium leprae (ou bacille de Hansen) est à l'origine d'un large spectre de manifestations cliniques de la lèpre.
A un bout du spectre, la forme tuberculoïde est une maladie circonscrite s'autoguérissant, avec peu de bacilles, et des lésions cutanées contenant des cytokines de type 1 reflétant une forte immunité cellulaire. A l'autre bout, la forme lépromateuse plus sévère, avec des lésions disséminées, des charges bacillaires élevées, et des lésions contenant des cytokines type 2 caractéristiques d'immunité humorale et de suppression d'immunité cellulaire.
Le diagnostic de la forme de la maladie s'établit sur les biopsies des lésions cutanées.
Bleharski, Modlin et coll. ont exploité maintenant la génomique. Ils ont comparé les profils d'expression de 12 000 gènes trouvés dans les biopsies de lésions cutanées de six patients présentant une forme tuberculoïde et cinq patients présentant une forme lépromateuse.
Tuberculoïde ou lépromateuse
Les chercheurs ont constaté, avec l'aide de méthodes statistiques, qu'une distinction dans l'expression génique est corrélée à la forme clinique et permet de la classifier correctement.
« Cela suggère qu'on pourrait développer des biomarqueurs fiables pour améliorer le diagnostic et la classification chez les patients. La capacité de classifier correctement les patients permet de prédire l'évolution clinique de la maladie », notent les chercheurs. « Si nous pouvons prédire l'évolution clinique, nous pourrons intervenir plus tôt, explique le Pr Modlin, ce qui est très important pour la lèpre lépromateuse, forme plus sévère qui peut aboutir à une atteinte nerveuse importante et qui peut défigurer. »
La différence majeure entre les profils d'expression génique des deux formes de lèpre concerne, comme on pouvait s'y attendre, les gènes de la réponse immune. Nouvel aperçu, les gènes de la famille LIR (Leucocyte Immunoglobulin-like Receptor) sont surexprimés dans les lésions lépromateuses. Et, notamment, le gène LIR 7 dont l'expression est cinq fois supérieure dans les lésions lépromateuses que dans les lésions tuberculoïdes.
Des études fonctionnelles montrent que LIR 7 supprime des mécanismes de défense innée de l'hôte, en détournant les cytokines du programme pro-inflammatoire et en bloquant l'activité antimicrobienne d'un autre récepteur de surface cellulaire appelé TLR (ou Toll-Like Receptor).
« La capacité d'immunosuppression de LIR 7 nous permet de mieux comprendre le développement des maladies infectieuses comme la lèpre. Elle pourrait aussi aboutir à de futurs traitements pour les maladies auto-immunes, comme le psoriasis ou la polyarthrite rhumatoïde, lorsque l'objectif est de réprimer ou supprimer la réponse du système immunitaire », remarque le Pr Modlin.
« Science » du 12 septembre 2003, p. 1527.
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