DE NOTRE ENVOYEE SPECIALE A ANGERS
LA « GRANDE FAMILLE de la génétique française » était au complet à Angers : 750 personnes sont venus assister aux deuxièmes assises nationales de la génétique médicale et humaine. Pendant trois jours, chercheurs, médecins généticiens, épidémiologistes, cliniciens ont exposé leurs travaux, tandis que des responsables d'unité de recherche se sont rapprochés de chefs de service hospitaliers.
Ce congrès était également l'occasion de dresser le bilan de la génétique clinique, une spécialité qui, en à peine dix ans d'existence, a engrangé bon nombre de progrès : l'accompagnement des familles est de qualité, les tests de dépistage sont gratuits, chaque CHU dispose à présent d'un service de génétique. Ce qui fait dire au Pr Thierry Frébourg, responsable du service de génétique du CHU de Rouen, que « la génétique française est arrivée à maturité ». Pour autant, le tableau est loin d'être idyllique. D'abord parce que les progrès thérapeutiques ne sont pas toujours au rendez-vous. Mais aussi parce qu'il existe « un retard considérable du diagnostic en France », ajoute le Pr Frébourg pour nuancer son propos. La principale explication à ses yeux : le manque de formation en génétique des généralistes.
« Le grand public n'est pas le seul à se faire une fausse idée de la génétique. Les généralistes aussi pensent trop souvent que cette discipline se résume au clonage et à la thérapie génique. Or ce n'est pas le cas : en détectant des mutations, la génétique permet de sauver des vies, s'exclame-t-il. La génétique n'est pas qu'une affaire de technique, elle se passe avant tout au chevet du malade. » Tel est le message fort lancé par Thierry Frébourg à l'adresse de ses confrères généralistes, qu'il invite à se former au plus vite.
« Les maladies monogéniques sont assez fréquentes », rappelle le Pr Frébourg, chiffres à l'appui : 4 millions de Français sont atteints par l'une des 8 000 maladies génétiques recensées. Il est bien évident que le médecin de famille ne peut pas toutes les connaître. « Mais il doit apprendre à se remettre en cause et avoir une pédagogie du doute », suggère une présidente d'association de malades. Le généraliste ne doit pas hésiter à adresser le patient vers le service de génétique du CHU le plus proche, renchérit le Pr Frébourg, qui précise que, en cas de retard, le diagnostic est dramatique, « car c'est toute une famille qui en souffre ».
Le généticien illustre son propos de la manière suivante : « Je suis atterré de constater que l'hémochromatose, que l'on peut totalement prévenir et arrêter, est encore trop souvent diagnostiquée au stade de la cirrhose du foie. » L'analyse est valable pour certains cancers héréditaires comme celui du côlon : « Une personne sur cinq cents porte cette mutation. En cas de test positif, le fait de proposer à cette personne une coelioscopie tous les deux ans permet de lui sauver la vie », souligne Thierry Frébourg.
Autour du généraliste référent.
Lors de son passage aux Assises, vendredi, le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, a déclaré qu'il souhaitait réorganiser la génétique en France, notamment en recentrant la prise en charge et le suivi des malades autour du médecin généraliste référent. Pour déclencher « un état de veille » chez ces derniers et renforcer leur formation, plusieurs moyens devront être développés. Les données les plus récentes de la recherche sont disponibles auprès de la Fédération des associations de génétiques médicales et humaines (Fagmh).
Mais pour le généraliste, le meilleur moyen de se former reste la FMC et également Internet*.
Parfois, une bonne formation ne suffit pas. Le généraliste peut se trouver face à un cas de conscience, lorsque son patient refuse d'annoncer sa maladie génétique à sa famille. A ce sujet, le ministre de la Santé, qui n'oublie pas qu'il est généticien, livre quelques conseils à ses confrères : « Il n'appartient pas au médecin de transgresser le secret médical. Mais ce n'est pas non plus de sa responsabilité d'informer l'entourage du risque qu'il encourt contre la volonté du patient. En pareilles circonstances, le médecin doit alors informer son patient qu'il sera seul responsable de son silence. »
Au cours du congrès, Jean-François Mattei s'est également engagé à développer de toute urgence des passerelles entre la recherche fondamentale et appliquée. Car, comme le souligne le Dr Jean-Claude Antonini, maire d'Angers, « rien ne sert de mener des travaux en laboratoires s'il n'y a pas de débouchés pour les patients ». Une démarche coûteuse qui justifie pleinement, aux yeux du maire angevin, le maintien d'un « budget important » pour la recherche publique française.
* Le portail d'informations le plus complet sur Internet : www.orpha.net.
Un nouveau métier : conseiller en génétique
Les 200 médecins généticiens de l'Hexagone ne savent plus où donner de la tête, comme l'explique le Dr Sylvie Odent, responsable du service de génétique du CHU de Rennes : « Nous sommes débordés. Nous n'avons pas le temps de recevoir systématiquement les patients. Par exemple, pour annoncer les apparentés de mucovicidose, nous le faisons souvent par courrier. » De nouveaux acteurs ne devraient pas tarder à apparaître pour aider les médecins généticiens en prenant en charge les cas de routine (comme les diagnostics préimplantatoires) : les conseillers en génétique. Cette future formation, d'une durée de deux ans, sera prochainement proposée aux personnels de niveau bac +3/4 (infirmières, sages-femmes et psychologues). « Après une alternance de stages pratiques et de cours théoriques, le conseiller travaillera sous la responsabilité du généticien pour faire les interrogatoires, débrouiller les situations, accompagner les familles et faire de la psychologie », a expliqué Jean-François Mattei, qui espère ainsi donner du temps aux médecins pour se consacrer aux cas lourds. Le ministre a annoncé la création de plusieurs dizaines de postes de conseillers en génétique dans les années à venir.
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