Jean de Kervasdoué est un expert têtu. Quand il dit que la France meurt d’un excès de principe de précaution, il n’en démord pas. Il l’a répété à tue-tête lors d’une rencontre en mars dernier (1). Quitte à réciter une liste à la Prévert pour illustrer sa thèse, tout entière exprimée dans son dernier livre (2). Le nucléaire civil trop dangereux ? « À Tchernobyl, depuis la catastrophe, nous dénombrons exactement 53 morts dus à la fusion de la centrale. Si l’on a enregistré un million de cancers de la thyroïde, en revanche nous ne comptons que neuf morts desdits cancers. À titre de comparaison, l’industrie du charbon en Chine fait 4 000 morts chaque année ! » Doit-on se passer du nucléaire civil ? « Le Danemark, qui est le pays qui compte le plus d’éoliennes, est aussi celui qui pollue le plus ! En France, le Vélib' a beaucoup plus tué que le nucléaire civil ! » (3) Les ravages du chlordécone aux Antilles ? « Les Martiniquais sont parmi les Noirs ceux qui vivent le plus vieux. » Et, lorsqu’on lui fait valoir que les récents drames sanitaires, du sang contaminé au Mediator®, entament la crédibilité des experts aux yeux de la société civile, Jean de Kervasdoué pointe l’ignorance du public sur maints sujets, en particulier sur la notion de gènes. Non, selon lui, c’est plutôt la confusion des ordres qui sème le doute sur les progrès de la science auprès de la population. « Il y a souvent confusion entre le politique et le scientifique. Les politiques n’ont pas à se prononcer sur des aspects scientifiques. Et, malheureusement, l’information est trop souvent manipulée par les journalistes ! » Résultat : cette perte de crédits renforce le principe de précaution ; et la France le paie chèrement. « Il fallait lever le moratoire sur les cellules souches ! Nous avons pris beaucoup de retard ! Nous avons aussi perdu l’industrie des OGM ! » Sur le front de l’assurance maladie, et de ses déficits, Jean de Kervasdoué n’est guère plus optimiste : « Le financement de la santé est un débat qui échappera à la campagne présidentielle. Si bien que, après la présidentielle, les déficits seront tellement importants qu’il faudra prendre des mesures drastiques comme les Anglais ou les Grecs ! » Deux trains de mesure, selon Jean de Kervasdoué, sont à prendre : conjoncturels, et structurels. « D’un point de vue conjoncturel, il va falloir augmenter la TVA et la CSG, mais ça ne suffira pas. Il y a trop d’établissements de santé en France : 3 500 contre 2 000 en Allemagne. Et ce n’est pas la loi HPST qui répondra à ce problème. » Trop étatique aux yeux de Jean de Kervasdoué, la loi HPST restreint le libre arbitre des directions hospitalières. Lesquelles ne peuvent pas se réorganiser comme elles le souhaitent. Et la réforme en cours de la politique du médicament ne le laisse guère plus enthousiaste : « Les structures, quelles qu’elles soient, n’ont jamais remplacé la vertu. »
(2) La peur est au-dessus de nos moyens. Pour en finir avec le principe de précaution. Plon, 2011.
(3) Du fait de la production de gaz naturel et de charbon, le Danemark rejette une dizaine de tonnes de CO
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